Revue de presse juillet 2024
Libye
- Agenzia nova, « Libia : la missione Ue per la prima volta a Bengasi per discutere di migrazioni e gestione delle frontiere », le 2 juillet 2024
Selon l’agence de presse Nova, une délégation technique de l’Union européenne (UE) a effectué une mission diplomatique auprès du gouvernement parallèle de Benghazi, aux mains du maréchal Haftar. L’objectif de cette rencontre était d’ouvrir une discussion sur l’accroissement des retours dits volontaires, ou encore sur les opérations de « sauvetage » en mer. L’ambassadeur de l’UE dans le pays a déclaré travailler à renforcer « le partenariat UE-Libye, afin de promouvoir l’unité, la stabilité et l’efficacité du contrôle des frontières libyennes ».
Pour verrouiller davantage les frontières de ses États membres, l’Union européenne semble courtiser le maréchal Haftar – homme fort de l’Est du pays, opposé au gouvernement officiel, et en quête de légitimité sur la scène internationale. Le gouvernement officiel à Tripoli, installé par l’ONU (GNA entre 2016 et 2021 et GNU depuis) [1], est pourtant déjà un partenaire central dans la stratégie d’externalisation des contrôles migratoires de l’UE. Parrainées par l’Italie, les autorités de Tripoli jouent depuis longtemps les garde-frontières du continent européen. En février 2023, en dépit du chaos qui règne dans le pays et des nombreuses violations de droits documentées par les ONG, le protocole d’entente (MoU) Libye-Italie signé en 2017 a été reconduit, en l’état, une troisième fois pour une durée de trois ans [2]. Cependant, le pays étant séparé en deux, les contrôles des côtes libyennes sont moins fréquents à l’Est. Depuis 2016, la ville de Tobrouk, à quelques kilomètres de la frontière égyptienne, voit partir de plus en plus de bateaux en direction de l’Italie ou de la Grèce [3]. Selon le Monde, le maréchal Haftar serait accusé de favoriser la migration afin d’ouvrir un espace de négociation avec l’UE [4]. En décembre 2023, Le Monde avait révélé l’implication de milices proches d’Haftar dans l’interception de plusieurs embarcations en Méditerranée, en zone SAR maltaise, avec l’appui de l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex. La coopération en matière migratoire entre le gouvernement parallèle de Benghazi et l’UE participe en l’espèce à redorer le blason d’un pouvoir autoritaire et illégitime, accusé de « crimes de guerre » [5] et qui maintient le pays dans l’instabilité.
Mauritanie
- Le Monde, « Au large de la Mauritanie, 89 personnes sont mortes en tentant de gagner l’Europe », le 5 juillet 2024
- Columna digital,« Tragedia en cayuco de Mauritania : 89 muertos », 5 juillet 2024
Le 1er juillet 2024, une embarcation partie de la frontière entre la Gambie et le Sénégal a fait naufrage, avec à son bord 170 personnes migrantes, entraînant la mort d’au moins 89 personnes. Les garde-côtes mauritaniens ont déclaré avoir repêché le bateau et secouru 9 personnes. Les autres victimes sont encore portées disparues.
Selon les chiffres, de l’ONG Caminando Fronteras, depuis le début de l’année 2024, 4 808 personnes auraient perdu la vie en tentant de rejoindre l’Espagne par la route de l’Atlantique [6]. Une route toujours plus meurtrière et dangereuse depuis les premiers départs au début des années 2000. En avril 2022, une pirogue à la dérive partie de Mauritanie avait même été retrouvée sur les côtes du Brésil avec à son bord 9 corps privés de vie (!) [7]. Combien d’autres personnes en exil se sont perdues en mer en tentant d’accéder à un autre continent et de contourner les contrôles migratoires ? Les pays côtiers (Maroc, Mauritanie, Sénégal) en prenant part au « système frontalier européen » entravent délibérément les départs et contribuent à faire reculer le point d’embarcation toujours plus en amont sur le continent africain – jusqu’à la côte nigériane [8]. Selon le ministère des Affaires étrangères espagnol, en 2023, 32 029 personnes dépourvues de droit au séjour auraient débarqué sur les îles Canaries en empruntant cette route10.
Royaume-Uni
- Al Jazeera, “Keir Starmer says scrapping UK’s Rwanda migrant deportation plan”, le 6 juillet 2024
Le nouveau gouvernement travailliste britannique, élu le 4 juillet 2024, a annoncé revenir sur le Plan Rwanda, élaboré en avril 2022. En abrogeant en juillet 2024 la loi « Safety of Rwanda » (avril 2024), le nouveau Premier ministre entend désormais faire primer le droit international et les droits humains. Selon lui, le Plan Rwanda n’est qu’un « gadget » qui serait inefficace, ne permettant pas de dissuader les migrant·e·s d’effectuer la traversée de la Manche pour se rendre au Royaume-Uni.
Anticipant la mise en œuvre de cet arrangement, 220 millions de livres sterling avaient déjà été versées aux autorités rwandaises [9]. Bien que l’annulation du Plan Rwanda soit annoncée comme une « mesure d’humanité », le gouvernement britannique au pouvoir compte bien entretenir l’amalgame qui lie immigration et insécurité. Pour mobiliser son électorat, le nouveau Premier ministre promettait de réinjecter les fonds initialement destinés à l’externalisation de l’asile dans la lutte contre l’immigration dite clandestine à la frontière franco-britannique, notamment par la création d’un « commandement de sécurité frontalière », similaire aux unités antiterroristes [10]. Malgré un projet avorté avant même sa mise en œuvre, le Plan Rwanda aura néanmoins inspiré un engouement au sein des pays européens pour tenter de se soustraire à leurs obligations en matière d’asile. Le 15 mai 2024, quinze États membres de l’Union européenne ont ainsi fait parvenir une lettre à la Commission européenne, réclamant le développement d’un système commun d’externalisation du traitement de l’asile [11]. Une velléité ancienne en passe de devenir réalité ?
Pays-Bas
- Euronews, « Le nouveau gouvernement néerlandais souhaite une dérogation à la politique migratoire de l’UE. Mais est-ce possible ? », le 3 juillet 2024
Le 2 juillet 2024, les Pays-Bas ont vu une coalition de droite et d’extrême droite arriver au pouvoir. Outre la volonté de durcir sa politique migratoire en accélérant les expulsions et en restreignant l’accès à un titre de séjour (y compris par l’asile), le nouveau gouvernement souhaiterait pouvoir bénéficier d’une « une clause de non-participation de la politique européenne d’asile et de migration ».
Alors que le nouveau Pacte européen asile et migration, adopté le 10 avril 2024, généralise des pratiques ultra-sécuritaires permettant de normaliser « l’approche hotspot » et de maintenir les personnes migrantes dans une fiction juridique de non-entrée sur le territoire européen [12], le nouveau gouvernement surenchérit, estimant la politique européenne migratoire trop laxiste, rejoignant ainsi la Hongrie et la Pologne. Pourtant déjà indignes, les conditions de vies des personnes exilées aux Pays Bas risquent de nettement se dégrader ces prochaines années. En 2022, l’ONG Médecin sans frontières avait lancé une mission humanitaire dans le pays pour pallier l’absence d’hébergement des migrant·e·s. L’ONG avait alors comparé les conditions de vie du principal centre néerlandais pour demandeur·euse·s d’asile au tristement célèbre camp de Moria, situé sur l’île grecque de Lesbos [13] .
Grèce
- Infomigrants, « Grèce : Frontex accuse les garde-côtes grecs de la mort de quatre migrants en mer Égée », le 9 juillet 2024
- El país, « Frontex responsabiliza a los guardacostas griegos de la muerte de cuatro personas durante unas devoluciones en caliente », le 6 juillet 2024
Le journal espagnol El País s’est procuré des documents internes de l’agence européenne Frontex, dont le contenu met en cause l’implication des garde-côtes grecs dans des pratiques dégradantes et criminelles lors de refoulements vers la Turquie, qui auraient notamment causé la mort de quatre personnes. Si le Bureau des droits fondamentaux de Frontex avait connaissance depuis mars 2023 de la responsabilité des autorités grecques dans ces violations des droits, elle n’a apparemment pas jugé bon d’y donner suite.
Depuis 2006 au moins, l’État grec se rend coupable de violations des droits largement documentées par les ONG et les médias sous les yeux d’une Europe complaisante ou complice, qui se garde bien de sanctionner. Les autorités grecques continuent de nier de telles pratiques, réfutant en dépit des évidences l’existence de preuves tangibles. Selon le Conseil grec pour les réfugiés, le caractère systématique des pushbacks met en évidence que cette pratique illégale fait pleinement partie de la politique migratoire et frontalière de l’État hellénique. Une enquête de la BBC en date du 17 juin 2024 dénombrait 43 morts (documentées) - dont neuf personnes jetées à la mer - lors de quinze opérations de refoulement entre 2020 et 2023 [14]. Après le naufrage de Pylos, causé par les pratiques dangereuses des garde-côtes grecs, l’officier en charge des droits fondamentaux de Frontex avait recommandé un retrait de l’agence de la zone [15]. Pourtant, il n’en a rien été. L’agence, elle-même accusée de violation des droits fondamentaux, est toujours présente à la frontière gréco-turque et continue d’apporter son soutien à la Grèce. Alors même que son Directeur exécutif peut suspendre une opération en cas de violations des droits [16], comme elle l’a fait en Hongrie après une énième condamnation du pays par la Cour de justice de l’Union européenne en 2021 [17], sans doute de peur d’être accusée de complicité [18]..