Des « relocalisations » prétextes à expulsion
Présentée, dans l’agenda européen pour la migration lancé en mai 2015 par la Commission européenne comme la facette « solidaire » de la réponse de l’Union européenne à la mal nommée « crise migratoire », la relocalisation consiste en une répartition, dans différents États membres, de migrant·e·s identifié·e·s dans les hotspots, grecs et italiens, comme éligibles au statut de réfugié. Après que la Commission a renoncé à en faire un dispositif contraignant (nombre d’États refusant de se voir imposer des « quotas »), c’est sur la base du « volontariat » que 23 d’entre eux se sont engagés en septembre 2015, au terme d’un interminable marchandage, à accueillir sur deux ans un total de 160 000 potentiel·le·s réfugié·e·s – une proportion dérisoire au vu du nombre de personnes déjà présentes à l’époque en Grèce et en Italie. On note que parmi les critères retenus pour déterminer combien de migrant·e·s seront relocalisé·e·s dans chacun des pays hôtes (nombre d’habitants, PIB, nombre de réfugié·e·s déjà accueilli·e·s, taux de chômage...), le choix de leur destination par les intéressé·e·s n’est jamais pris en compte. Une façon de rappeler que même si on leur reconnaît le droit de demander une protection, les demandeurs et demandeuses d’asile restent interdits de circuler librement sur le territoire de l’UE.
Un an après le lancement du dispositif, environ 6 000 exilé·e·s ont été « relocalisés » dans un État européen. Dans certains, on n’en compte que quelques dizaines, voire aucun [carte ci-dessus]. Signe, s’il en était besoin, de l’échec d’un mécanisme qui n’a été mis en place que pour donner une apparence d’humanité et de rationalité aux hotspots. Ceux-ci sont en effet le point de passage obligatoire pour avoir une chance d’être choisi pour un transfert dans un État d’accueil. Mais une chance infime : d’abord, parce que ne sont concernées que quelques nationalités (principalement des Syriens et des Erythréens) ; ensuite au regard du peu d’empressement des États à respecter des engagements auxquels ils n’ont souvent souscrit qu’à contrecœur ; enfin, du fait des modalités complexes et bureaucratiques de la sélection. La très grande majorité des migrant·e·s – ceux qui n’auront pas été choisis pour être relocalisés – sont alors soit promis à l’expulsion, soit bloqués en Grèce ou en Italie. À condition, s’agissant de la Grèce, que ces exilé·e·s soient arrivés avant l’application de l’accord UE-Turquie, en vertu duquel même les personnes éligibles à l’asile peuvent être refoulées. Au prétexte d’une illusoire relocalisation, ce sont donc des milliers d’exilé·e·s qui sont les otages de « l’approche hotspot », dispositif avant tout destiné à trier, ficher, et mettre entre parenthèses, avant une éventuelle expulsion, celles et ceux que l’Europe se refuse à « accueillir ».
Extrait de la Note #4 Des hotspots au coeur de l’archipel des camps - Octobre 2016