Historique de la mise en place d’une politique de charters communs

 29 avril 2004 le Conseil JAI adopte une décision communautaire sur l’organisation de charters européens
In extremis, le conseil des ministres de la Justice et de l’Intérieur des Quinze, chargé entre autres de l’immigration et de l’asile, adopte une décision communautaire sur l’organisation de charters européens pour le renvoi des étrangers éloignables, contre laquelle de nombreuses ONG en Europe ont lancé un appel "contre les charters de la honte", et en dépit du rejet du Parlement.
"This measure is very much in line with the Irish Presidency’s aim of enhancing practical operational cooperation on returns among Member States through the full implementation of return-related measures agreed at EU level. The Presidency intends to bring forward Council Conclusions in the coming weeks on ways of giving full effect to this Decision."
Le Conseil a également adopté la directive sur les procédures d’obtention et de retrait du statut de réfugié, dont la dernière version préparatoire connue était si catastrophique que les principaux réseaux d’ONG européennes, le HCR et en France la CFDA, très critiques sur son contenu, s’étaient il y a un mois prononcés pour une suspension des travaux sur ce texte, estimant qu’il était pire d’avoir une directive européenne de ce niveau que pas de directive du tout.
Le Conseil a aussi adopté une autre directive sur la qualification (définition du statut de réfugié et de la protection subsidiaire).
La date du 30 avril était une date butoir puisqu’elle correspond à l’expiration de la période transitoire de 5 ans (après l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam) au terme de laquelle les Etats membres étaient censés avoir adopté l’ensemble des lois communautaires correspondant au programme défini au sommet de Tampere (octobre 1999), en matière d’asile et d’immigration. Au vu des textes qui ont été adoptés ces derniers mois (la directive relative au regroupement familial, celle relative au statut de résident de longue durée, la directive sur l’accueil des demandeurs d’asile, le règlement Dublin ...) il n’y avait déjà pas de quoi se réjouir (voir le bilan dressé par la CFDA sur la communautarisation du volet asile). Et compte tenu des difficultés que les Quinze avaient, ces derniers mois, à trouver des compromis sur les deux directives qui restaient ("procédures" et "qualification") le fait qu’ils soient en mesure, à la veille de la date limite, d’annoncer leur adoption est mauvais signe.
Voir le CR du JAI 29/4/04, en français

 20 avril 2004 Parlement : l’initiative italienne est caduque
La demande du Conseil d’ajouter l’initiative italienne pour l’organisation de vols communs d’expulsion à l’ordre du jour de la session d’avril 2004 du Parlement européen en tant qu’urgence, ayant été rejetée par les députés ce 20 avril 2004, l’initiative italienne est caduque.
Le Parlement avait déjà rejeté cette initiative le 31 mars 2004, en estimant qu’il était inacceptable que les droits des personnes ainsi expulsées soient décrits dans une annexe non contraignante à la proposition et non dans le dispositif lui-même. Le rapporteur, Mme Adeline HAZAN (PSE, F), avait maintes fois répété que le fait d’organiser des retours groupés de ressortissants de pays tiers, revenait à banaliser le principe de l’expulsion.
Mais la consultation du Parlement européen n’est que "de pure forme"

 9 mars 2004 : Belgique, charters européens
Réfugiés rapatriés : Un avion Airbus transportant des réfugiés déboutés de leur demande d’asile a décollé ce matin de l’aéroport de Melsbroek. C’est la première fois que la Belgique organise une expulsion collective en collaboration avec les Pays-Bas et le Grand-Duché de Luxembourg. C’est aussi le premier rapatriement forcé depuis la condamnation des anciens gendarmes impliqués dans le décès de Semira Adamu. Une cinquantaine de réfugiés se sont envolés ce matin à bord d’un appareil militaire. Le ministère de l’Intérieur précise qu’il s’agit du premier vol organisé dans le cadre du Bénélux. Le premier rapatriement collectif aussi depuis le procès Adamu et l’accord intervenu ensuite entre policiers et ministère de l’intérieur sur une reprise des éloignements forcés. Les rapatriements avaient été suspendus le 12 décembre dernier, après la condamnation de 4 anciens gendarmes impliqués dans le décès de Sémira Adamu. L’avion a décollé de l’aéroport de Melsbroek avec à son bord des réfugiés et une centaine d’accompagnants, parmi lesquels le professeur Etienne Vermeersch de l’Université de Gand. Il est chargé de faire rapport au ministre Patrick Dewael sur les conditions de ce rapatriement. L’avion ramène en Albanie et au Kosovo des réfugiés refoulés par la Belgique, les Pays-Bas et le Grand-Duché de Luxembourg.

 18 février 2004 : le rapport Hazan rejette le principe des charters
Le Rapport Hazan a été voté à l’unanimité moins une voix en Commission Liberté, droits des citoyens, Justice et Affaires intérieures du Parlement européen. Ce rapport rejetait le principe des Vols Charters.

 18 février 2004 Belgique : débat à la Chambre
Belgique : échanges à la Chambre des représentants de Belgique entre Mme Marie Nagy, députée du groupe écologiste et M. Vincent Van Quickenborne, secrétaire d’Etat.

Echange à la Chambre Belge sur les Charters

 10 février 2004 le point officiel sur les charters
La Présidence de l’Union et le Groupe de Travail sur la Migration et l’Expulsion ont rendu un petit état de l’avancée de leur réflexion.
Antonio Vitorino lui -même appelle les Etats membres "à éduquer les citoyens sur le Principes que Vols Groupés qui ne sont pas des expulsions collectives" ... en réaction à la mobilisation européenne contre les Charters et notamment un échange de lettres entre le Commissaire et la
Cimade.
Les Vols Charters communautaires sont pour la Commission "un moyen de rationnaliser les dépenses au niveau européen et de rendre plus efficace le système de l’asile dans son ensemble".
Voir le document ci-joint en anglais sur le Groupe de Travail Migration et Expulsion ainsi que sur le site de Statewatch

 22 et 23 janvier 2004 - le Conseil JAI décide de mettre en oeuvre les charters
Lors de ce Conseil Justice et Affaires intérieures informel a été rediscutée la question des Charters, la présidence irlandaise se concentrant sur la mise en oeuvre de la politique européenne de retour des migrants irréguliers. Lors de ce Conseil JAI a été décidé de mettre en pratique « l’organisation de vols conjoints pour l’éloignement du territoire de deux Etats membres ou plus de ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une décision d’éloignement », envisagé lors du Conseil JAI du 6 novembre.
Le vote du parlement européen prévu le 26 février 2004 doit statuer sur ce principe même des charters communautaires. Si le Parlement vote pour, il est déjà envisagé d’organiser des vols charters communs à titre d’exercice pilote. Concernant cette pratique, la forme reste incertaine : il a été évoqué des destinations et donc des pays tiers cibles à l’éloignement.
En vue de rendre effectif cet accord d’intention, la Commission européenne a précisé que 30 Millions d’€ seraient débloqué pour mettre en oeuvre ces mesures d’éloignement.
Concernant l’échange des informations sur les décisions d’expulsions et les vols conjoints entre les Etats membres, l’utilisation de ICONET, (réseau de gestion des migrations des Etats membres) est envisagée ainsi que celui du Système d’Information Schengen. Mais comme l’Irlande et le Royaume Uni ni les nouveaux entrants n’en font/feront pas tout de suite parties... d’autres pistes sont envisagées. La future Agence pour la gestion des frontières extérieures aurait alors un rôle de centralisation et de gestion sur l’organisation des vols conjoints est évoqué sans être précisé.

22/01/2004 Bruxelles prête à financer des « charters » groupés Le Figaro
La Commission européenne va proposer aujourd’hui aux ministres de l’Intérieur des Quinze réunis à Dublin de participer financièrement aux expulsions groupées de clandestins. En offrant de payer une partie de la facture des « charters » conjoints sur les fonds communautaires, Bruxelles risque de s’attirer les foudres des parlementaires et des associations des droits de l’homme, choqués par la nouvelle méthode des charters communs, avalisée par les Quinze en novembre dernier. Dans ce dossier sensible, la Commission se défend de tout angélisme. « On ne peut pas se battre contre l’immigration illégale sans accepter le principe de l’expulsion », explique-t-on à Bruxelles. L’exécutif européen a prévu une enveloppe budgétaire de 30 millions d’euros sur deux ans pour participer au financement des charters communautaires. Jusqu’ici, seuls une demi-douzaine de vols communs ont été organisés entre la France, la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas. Même partagé, le coût de ces opérations reste très élevé pour les capitales. En apportant son aide, l’exécutif européen ne se contente pas d’alléger le fardeau financier des Etats membres. Il espère obtenir un droit de regard sur les procédures d’expulsion en vigueur dans l’Union. « Aujourd’hui, chaque pays expulse ses clandestins comme il l’entend, souvent dans la plus grande discrétion, regrette-t-on à Bruxelles. Si la Commission participe à la facture, il va de soi qu’elle exigera de fixer certaines règles. » Discutée pour la première fois aujourd’hui, cette initiative devrait susciter la méfiance des Etats membres, qui préfèrent garder la mainmise sur leur politique de lutte contre l’immigration clandestine, quel qu’en soit le prix.

 Un article de l’Express du 02/02/2004 reprend cette information :
L’Union contre les clandestins de François Geoffroy
Les Quinze envisagent des vols groupés pour renvoyer dans leur pays les immigrés en situation irrégulière
Les Etats membres de l’Union européenne, qui dépensent près de 3 milliards d’euros par an pour la surveillance de leurs frontières extérieures, ont décidé d’organiser des vols groupés pour le rapatriement des immigrés en situation irrégulière. Une « politique commune de retour » est devenue indispensable, affirme-t-on à Bruxelles, pour assurer la « crédibilité des politiques d’immigration et d’asile ». En 2001 déjà, les Quinze avaient adopté, à l’instigation de la France, une directive prévoyant un « mécanisme de compensation financière » entre les Etats membres, lorsque la décision d’expulsion par avion intéresse plusieurs d’entre eux. En juin 2003, la Commission de Bruxelles allait plus loin en suggérant aux chefs d’Etat, réunis à Thessalonique, d’étendre cette coopération à des « vols charters communs ». C’est finalement sur la base d’une initiative italienne que les Quinze ont approuvé, en novembre 2003, le principe de tels vols groupés, moyennant le respect d’une liste indicative de précautions. Ainsi est-il précisé que « l’usage de la force ne devra pas dépasser les limites du raisonnable »...
Ne voulant pas être en reste, la Commission a annoncé de son côté, le 22 janvier, aux ministres de l’Intérieur de l’Union le déblocage pour 2005 et 2006 de 30 millions d’euros destinés à des projets pilotes de charters communs - qui pourront être organisés dans le cadre de la future Agence
européenne pour la surveillance des frontières - et, comme cela a été fait pour l’Afghanistan, au financement de mesures de réintégration des expulsés dans le pays de destination. Parallèlement, Bruxelles proposera, d’ici au
mois de mai, une harmonisation des règles applicables à ces opérations de rapatriement.
Mais ces initiatives sont loin de faire l’unanimité. Rapporteur du Parlement européen pour le projet italien, dont elle propose le rejet, la députée socialiste française Adeline Hazan dénonce « la tendance récurrente des Etats
membres à se mettre d’accord avec une facilité surprenante sur les aspects répressifs de leur politique d’asile et d’immigration ». Selon cette ancienne présidente du Syndicat de la magistrature, « le fait d’organiser de tels charters, qu’il faudra bien remplir, va banaliser le principe même des
expulsions et précipiter l’examen des dossiers individuels au détriment des garanties dues aux demandeurs d’asile ».

 Statewatch a débusqué dès fin juillet 2003 ce plan de la Présidence italienne pour déporter les immigrants en situation irrégulière (en particulier les déboutés du droit d’asile) par des charters communs (bus, trains, avions, bateaux), dans un délai de 36h, escortés de policiers en civil. L’analyse de Statewatch
Ces textes ont été plusieurs fois modifiés au cours de l’été. Au Conseil JAI de Bruxelles du 6/11/03 il y a eu accord politique sur les charters d’expulsion et sur la répartition des frais.

Bruxelles, 06/11/2003 (Agence Europe) - Le Conseil JAI est arrivé comme prévu à un accord politique sur l’organisation de vols communs d’expulsion des personnes en situation irrégulière. Ce texte est accompagné d’une annexe détaillée sur les modalités de la coopération, de la préparation du vol à l’arrivée dans le pays tiers. L’annexe, qui n’a pas un caractère contraignant, précise en particulier les modalités du possible recours à la force. Il précise que le personnel d’escorte pourra recourir à la force mais ne devra pas être armé, et devra se tenir à une liste de mesures de coercition préalablement décidées par les différents Etats participants. L’usage de la force devra être proportionné, et les expulsions ne devront pas se faire « à tout prix ». Le Conseil est aussi arrivé à un accord politique sur la prise en charge des frais d’une expulsion effectuée par un Etat membre à la demande d’un autre.

 New EU plan to toughen asylum rules The Guardian 8/8/03
QUOTE
Failed asylum seekers will be deported by bus, train, and ummarked police cars, until they are "finally removed" from the EU under a plan drawn up by European officials.
Its new plan is designed partly to overcome the reluctance of one EU state to accept deportees from another for fear they will simply stay in that second EU country or claim asylum there.
Failed asylum seekers in this way can be passed from one member country to another, EU governments argue.
Lack of any agreement on this between member states means that all deportations have to take place by air or sea.
Under the proposed EU directive, "third country nationals who are the subject of removal orders" would be escorted by guards throughout their journey across member states. They would be deposited when they reached their country of origin or the last "safe" non-EU country they had passed through.
"Use may be made of public carriers such as scheduled buses, trains, or unmarked police cars," it says .
UNQUOTE

Le délai de 36 heures laisse entendre qu’on aura les étrangers sous la main : comment ? L’histoire des "scheduled buses (and) trains", n’est pas non plus sans rappeler de vilains souvenirs, en France notamment

Le texte des projets italiens

 Projet d’initiative de la République italienne en vue de l’adoption d’une directive du Conseil concernant l’assistance au transit, par voie terrestre, dans le cadre de mesures d’éloignement prises par les Etats membres à l’égard de ressortissants de pays tiers 10909/03 (03-07-2003)

 Projet d’initiative de la République italienne en vue de l’adoption d’une décision du Conseil relative à l’organisation conjointe de vols communs pour l’éloignement collectif de ressortissants de pays tiers séjournant illégalement sur le territoire de deux États membres ou plus 10910/03 (03-07-2003)
Dernière version présentée le 23/10/03 sous le titre Initiative de la République italienne en vue de l’adoption d’une décision du Conseil relative à l’organisation de vols communs pour l’éloignement, à partir du territoire de deux États membres ou plus, de ressortissants de pays tiers faisant l’objet de mesures d’éloignement (13162/03) ; le nouveau texte intègre le « manuel d’organisation des charters communs »

 Projet de manuel relatif à l’organisation conjointe de vols communs pour l’éloignement collectif de ressortissants de pays tiers séjournant illégalement sur le territoire de deux États membres ou plus 10911/03 (03-07-2003)

Il Manifesto du 10 août 2003 évoque deux propositions françaises du 29 Juillet qui vont dans le sens des propositions italiennes, déposées à Bruxelles auprès du "groupe ad hoc "

Lire également
 Sandro Mezzadra Ai confini Il Manifesto 10/8/03
 Matteo Bartocci La Fortezza Europa prende forma Il Manifesto 9/8/03
 Sara Menafra Come ti espello al volo Il Manifesto 10/8/03

Dans le Registre public des documents du Conseil, on trouve une proposition française de juillet 2002 qui préconisait déjà ce genre de mesures
29-07-2002 Propositions de projets

  • de coordination pour les enquêtes sur la criminalité transfrontalière liée à l’immigration illégale
  • sur la rationalisation des mesures d’éloignement, notamment par le moyen de retours groupés