La Grèce doit abroger sa décision de considérer la Turquie comme un pays sûr
Action collective
Pour mettre fin aux obstacles au droit de demander l’asile en Europe, la Grèce doit abroger la décision de considérer la Turquie comme un pays sûr !
Voir ici la pétition
Le 18 mars 2016, l’Union européenne (UE) a conclu un accord avec la Turquie qui prévoit que les Syriens fuyant la guerre dans leur pays et qui arrivent sur les îles grecques doivent être confrontés à une procédure dite “d’admissibilité" – l’objectif étant de renvoyer les personnes en Turquie, au lieu d’examiner leurs demandes d’asile en Europe.
La Commission européenne a noté les effets discriminatoires de cette mesure controversée - limitant le droit de demander l’asile - mais a considéré qu’ils étaient justifiés par les circonstances extraordinaires et spécifiques, comme par la nature temporaire de l’accord.
Cinq ans plus tard, et malgré l’importante diminution de nouvelles arrivées de personnes demandant l’asile en Grèce, le gouvernement grec a étendu ce concept illégal et injuste d’« admissibilité ». Le 7 juin 2021, le gouvernement grec a en effet décidé de déclarer que la Turquie est un pays tiers sûr pour les personnes demandant l’asile en provenance d’Afghanistan, de Somalie, du Pakistan et du Bangladesh, en plus des Syriens.
Les personnes de ces nationalités sont désormais soumises à la nouvelle procédure d’admissibilité, quelle que soit leur vulnérabilité et quelle que soit la durée de leur séjour en Grèce. La procédure est engagée en vue de renvoyer la personne vers la Turquie, avant que ses raisons de fuir son pays et de demander l’asile ne soient jamais entendues.
"Je ne comprends vraiment pas. Dans mon pays, je travaillais comme humanitaire, c’est pourquoi les terroristes voulaient me tuer. J’ai essayé de rester mais ils ont tué mon ami et je me suis rendu compte que je n’avais pas le choix. Je suis venu en Grèce pour chercher une protection internationale, mais jusqu’à présent - près d’un an après mon arrivée - personne ne m’a demandé pourquoi j’ai quitté mon pays. La Grèce m’a seulement interrogé sur les jours que j’ai passés en Turquie. Je leur ai dit que les autorités turques m’avaient mis en détention sans nourriture ni eau, puis ils ont dit que si je voulais sortir, je devais signer un papier. Ce papier autorisait mon expulsion vers la Somalie. Malheureusement, je n’avais pas le choix. Je l’ai signé, puis j’ai fui la Turquie et je suis venu en Grèce. Je veux juste un endroit sûr, et que ma demande soit examinée [1].”
Nous lançons cette pétition un an après la décision ministérielle conjointe (DMC) du gouvernement grec. Nous appelons à son abrogation, étant donné qu’elle est illégale, inhumaine et inapplicable.
ILLÉGALE
Contrairement aux exigences légales, la décision du gouvernement grec de déclarer la Turquie sûre pour ces nationalités n’a aucun fondement. Elle est arbitraire et illégale [2] Le seul rapport sur lequel cette décision est basée, contredit les intentions du gouvernement grec, démontrant que la Turquie n’est en fait pas sûre. Cet avisn’a été rendu public par le service d’asile grec qu’après une action en justice, pour forcer la transparence. Il convient de noter qu’un recours en annulation de ladite DMC a été déposé devant le Conseil d’État grec et que l’audience a eu lieu le 11 mars 2022. L’affaire est toujours pendante.
"C’était tôt le matin, j’ai reçu un appel du bureau de l’asile grec, ils m’ont dit que mon entretien serait la semaine prochaine, le lundi. Mais ils ne m’ont pas dit quel entretien. J’ai passé les journées à stresser et à chercher un avocat. Malgré tous mes efforts, je n’ai pas pu trouver d’avocat à Athènes pour m’accompagner. J’ai trouvé un avocat vendredi, à peine 3 jours avant l’entretien, mais à Chios par téléphone - ils m’ont dit que je ne pourrai pas parler de l’Afghanistan lors de l’interview."
INHUMAINE
La Turquie n’est pas un pays sûr pour les demandeurs d’asile, qui ont besoin de protection. En effet, la Turquie s’est retirée l’année dernière de la Convention d’Istanbul de 2014 sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. La Turquie n’est pas signataire du Protocole de 1967 et ne garantit donc pas une protection complète conformément à la Convention de Genève de 1951. La Turquie déroge au principe de non-refoulement, admettant qu’elle expulse les demandeurs d’asile vers des pays où ils pourraient subir des tortures, des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Des centaines de milliersde Syriens sont rentrés en Syrie depuis la Turquie de manière “volontaire” selon les autorités. La Turquie persécute systématiquement les minorités ethniques et religieuses, les membres de la communauté LGBTQI+, les opposants politiques et les défenseurs des droits humains. De plus, lesystème judiciaire non indépendant de la Turquie est incompatible avec les normes européennes et internationales.
"Le service d’asile grec m’a interrogé pendant sept heures alors que j’ai traversé la Turquie pendant 3 nuits. J’ai dû vivre comme un chien des rues ces nuits en Turquie, et j’ai même vu que les chiens n’y étaient pas en sécurité. Pourtant, les autorités grecques ont décidé que je dois y retourner et je ne peux pas poursuivre ma demande d’asile en Grèce."
INAPPLICABLE
En outre, la Turquie n’a accepté le retour de personnes de Grèce depuis mars 2020 [3] et a récemment demandé à la Grèce de revenir sur sa décision de considérer la Turquie comme un pays tiers sûr. Dans la pratique, malgré la nouvelle barrière à l’asile, les personnes sont maintenues en situation de vide juridique dite de limbo - créant des retards, des souffrances, des risques d’exploitation, de refoulements et un manque d’accès aux services de base tels que les soins de santé.
"Le gouvernement grec joue avec les réfugiés comme une balle - ils veulent me jeter d’avant en arrière, à travers les mers, les forêts et les montagnes que j’ai dû traverser pour atteindre la sécurité ici."
Nous appelons le gouvernement grec à abroger sa décision ministérielle conjointe du 7 juin 2021. La Turquie n’est pas un pays sûr et les demandes d’asile des personnes doivent être correctement traitées de manière équitable et légale.
Liste des co-signataires en annexe