Sixième sommet Union Européenne-Union Africaine : Déclaration commune des organisations de la société civile africaine et européenne

Action collective

Les 17 et 18 février, le sommet des dirigeant.e.s de l’Union européenne et de l’Union africaine se tient à Bruxelles. C’est le sixième sommet pour adopter une vision commune pour 2030 en mettant en avant les politiques sécuritaires et économiques.

Nous, organisations de la société civile africaine et européenne intervenant sur la thématique de la migration, conscientes des enjeux et défis et de la nécessité d’un changement de paradigme pour des rapports gagnants-gagnants entre les deux continents, interpellons nos États sur les questions suivantes :

L’Europe fait prévaloir ses intérêts en imposant à l’Afrique sa vision du monde, en mettant en œuvre des mesures et des politiques restrictives et répressives qui visent à freiner les migrations sur son sol en y investissant des moyens humains, matériels et financiers colossaux qui pourraient servir dans des secteurs plus pertinents. Les migrations étant un phénomène social, économique et politique inhérent à la nature humaine, la réalité des faits prouve l’inefficacité de ces mesures et met en exergue les violations des droits humains des personnes migrantes.
Or, les politiques européennes ont pour conséquences de réduire les mobilités intra-africaines, pesant sur le développement du continent à moyen terme et allant à l’encontre des actes posés par l’Union Africaine à travers les cadres et instruments liant migration et développement durable.

Ainsi, il est important pour les États africains d’adopter les principaux instruments et textes tels que :

  • L’approche commune de la CEDEAO en matière de gestion des migrations qui œuvre pour une mobilité intra régionale des populations au cœur du processus d’intégration régionale
  • L’Agenda 2063 qui aspire à des liens dynamiques et mutuellement bénéfiques de l’Afrique avec sa diaspora
  • Le cadre de politique migratoire pour l’Afrique adopté par l’Assemblée de l’UA en 2006 qui offre un instrument juridique non contraignant, appelant les États membres à articuler leurs politiques migratoires aux impératifs du développement et à la protection des droits des personnes migrantes
  • Le protocole de l’Union Africaine sur la libre circulation, le droit de résidence et le droit d’établissement en Afrique
  • L’Agenda africain sur la Migration qui se veut un cadre pragmatique et efficace permettant aux États membres d’améliorer leurs réponses aux défis migratoires et de profiter du potentiel de développement qu’offre la mobilité humaine sur le continent africain.

Toute négociation avec les autres continents doit être conforme avec cette volonté politique. A ce titre, nous dénonçons fortement cette volonté de l’UE de négocier avec le Sénégal pour le renforcement de la présence de Frontex au large des côtes sénégalaises qui remet en cause sa souveraineté nationale, notre droit à la mobilité et pose aussi le problème des rapports de force entre un État et une organisation continentale comme l’UE.
Au-delà de cette question, l’implication de l’ensemble des acteurs et actrices notamment de la société civile dans la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques et programmes n’est qu’un vœux pieux qui tarde à se concrétiser. En général, les textes sont souvent bien écrits mais leur application pose toujours problème par un manque de volonté politique.

Nous appelons l’Union européenne à abandonner l’approche sécuritaire des politiques migratoires, à faciliter la mobilité entre les deux continents et à « construire des ponts entre les peuples et non ériger des murs » tout en :

  • Valorisant le potentiel des migrant·e·s (diasporas, réfugié·e·s et personnes déplacées) en tant qu’acteurs et actrices de développement de leurs pays d’origine et d’accueil pour être au rendez-vous en 2030 ;
  • Respectant le droit international particulièrement en ce qui concerne les refoulements massifs ;
  • Facilitant l’obtention des visas et en procédant à une évaluation du rôle des ambassades et des structures privées intermédiaires dans la gestion des procédures administratives etc…

Signataires :
1. Collectif Loujna-Toukaranké qui réunit 16 organisations des pays de la CEDEAO, du Maghreb et de la France
2. Conseil des Organisations non gouvernementale d’Appui au Développement (CONGAD) du Sénégal qui regroupe 178 organisations
3. Réseau Migration Développement (REMIDEV), membre de Loujna et affilié au CONGAD (31 organisations membres)
4. La Fondation Heinrich Böll Bureau Sénégal
5. Le réseau Migreurop qui compte 51 organisations et 43 membres individuel(le)s dans 17 pays d’Europe, d’Afrique et du Moyen Orient
6. Centre Nationale de Coopération au Dévéloppement (CNCD 11.11.11) de La Belgique qui réunit plus de 80 organisations
7. Alliance pour la Migration, Leadership et Développement (AMLD)
8. Réseau francophone pour l’Egalite Femme-Homme (RF-EFH)
9. Enda Lead Afrique Francophone

Photo ©La Cimade