« Mare Nostrum » face à « Mos Maiorum » ?
Pour mettre fin à l’immigration irrégulière, la rendre régulière ! Par Olivier Clochard, Migreurop
L’opération « Mare Nostrum » doit, selon le calendrier annoncé, prendre fin au 1er novembre 2014. Par quoi sera remplacé ce dispositif, que l’Italie a déployé, au lendemain du terrible naufrage de Lampedusa le 3 octobre 2013 ? Ni la Commission européenne ni les États membres de l’UE ne proposent aujourd’hui de solution susceptible de mettre fin à l’hécatombe en Méditerranée.
Alors que « Mare Nostrum » visait le sauvetage en mer, l’opération « Triton » qui est censée la remplacer, conduite par l’agence Frontex, a pour principal objectif la surveillance des frontières maritimes. Mais « surveiller » n’est pas « veiller sur ». Et les routes que continueront d’emprunter les migrants n’en seront que plus dangereuses. Pendant quelques mois, l’Italie avait entrouvert une porte, celle du sauvetage des migrants. Bien que non exempte de critiques – son caractère militaire, l’absence de transparence sur le sort des personnes sauvées de la noyade, et… ses échecs, puisque, selon le HCR, 3 000 personnes auraient péri noyées depuis le début de l’année –, « Mare Nostrum » a néanmoins amorcé une autre vision. En allant secourir des migrants jusque dans les eaux libyennes, l’Italie a pris une responsabilité que l’UE, qui se contente de déplorer hypocritement les « drames de la migration » à chaque annonce de naufrage, n’a jamais été capable d’assumer. Pendant quelques mois, l’Italie a complété cette initiative d’une désobéissance salutaire à des règles européennes absurdes : la prise d’empreintes des personnes considérées comme « irrégulières » à leur arrivée sur le territoire européen, exigence du règlement Dublin. En permettant le renvoi des demandeurs d’asile ainsi « tracés » vers les pays par lesquels ils ont pénétré en Europe, cette règle fait peser sur les pays de premier accueil comme la Grèce ou l’Italie un poids que les autres États d’Europe sont loin de vouloir se répartir. Cédant à la pression de ses partenaires européens, l’Italie a décidé de rétablir les prises d’empreintes. C’est aussi elle qui pilote, avec l’aide de Frontex, l’opération « Mos Maiorum », vaste traque de sans-papiers organisée à l’échelle européenne.
Avec « Mare Nostrum », l’Italie avait instauré, de fait, une forme de circulation naturelle pour rejoindre l’espace européen. Avec « Mos Maiorum », la porte se referme. L’Europe continue de considérer les migrants comme des ennemis et les réfugiés comme une menace. Il y aurait pourtant moyen de mettre fin à l’immigration « irrégulière » : la rendre régulière pour celles et ceux qui choisissent ou sont contraints (à) l’exil vers l’Europe.