Deux Erythréens portent plainte pour "non-assistance" après leur naufrage en Méditerranée
Le Monde (France), 19/06/2013
Deux rescapés de la dérive mortelle d’un canot de migrants, en mer Méditerranée, en avril 2011, ont déposé plainte, mardi 18 juin, à Paris, devant le doyen des juges d’instruction, pour "non-assistance à personne en danger". Seules neuf personnes sur 72 avaient survécu à ce drame, alors qu’elles fuyaient les affrontements en Libye.
La démarche de ces deux Erythréens âgés de 25 et 28 ans, qui vivent désormais en Italie et aux Pays-Bas, s’inscrit dans un combat international. Une plainte similaire a été déposée en parallèle à Madrid, mardi. D’autres instructions sont également en cours au Royaume-Uni, en Italie, en Belgique, au Canada et aux Etats-Unis.
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Leur but commun : obtenir la reconnaissance de la responsabilité des armées des dix pays sous commandement de l’OTAN qui croisaient au large des côtes libyennes à cette époque dans le cadre de l’opération "Unified Protector". Quatre sous-marins et, selon les jours, vingt à trente bâtiments étaient présents dans la zone.
Selon ces rescapés, leur embarcation a croisé plusieurs bateaux lors de leur dérive de deux semaines. Un appel de détresse avait été répercuté par les garde-côtes italiens. Un hélicoptère leur avait même lancé des biscuits et de l’eau. Mais personne ne les a secourus.
Soutenus par des associations, comme la Ligue des droits de l’homme et le Groupe d’information et de soutien des immigrés, les rescapés avaient déposé une première plainte, en avril 2012, auprès du tribunal de grande instance de Paris. Celle-ci avait été classée sans suite.
L’AGENCE EUROPÉENNE AUX FRONTIÈRES AU COEUR DES CRITIQUES
Aujourd’hui, les militants estiment avoir rassemblé des preuves nouvelles de la responsabilité de l’armée française dans le drame. "Les moyens de détection sophistiqués à bord des moyens navals français permettaient de détecter l’embarcation", écrivent-ils notamment dans leur plainte, contrairement à ce qu’avait affirmé le ministère de la défense en 2012.
La démarche des rescapés de l’affaire dite du "bateau-cercueil" s’inscrit dans un contexte de flou juridique en matière de protection des migrants en détresse en mer. En principe, le "sauvetage" est inconditionnel. "Peu importe que l’imprudence ou la volonté de la personne soit à l’origine du danger", dit le droit. Mais en pratique, les réseaux militants ont été informés de nombreux écarts.
Au coeur de ce débat, Frontex, l’agence européenne aux frontières. Même si elle n’est pas directement visée par la plainte déposée mardi, son fonctionnement suscite des critiques depuis sa création en 2004. Sa mission est de lutter contre l’immigration irrégulière et, en 2012, elle s’est félicitée d’avoir fait baisser de "moitié" les franchissements des frontières de l’Union.
Or Frontex n’a pas de gardes frontières propres. Elle fonctionne uniquement avec des effectifs policiers ou militaires "prêtés" par les Etats membres et sans cesse renouvelés. L’agence estime donc ne pas être responsable en son nom en cas de litige et renvoie aux armées qui opèrent pour elle. "Le système de responsabilité est extrêmement dilué", pointe Claire Rodier, du collectif Migreurop.
Sous la pression, Frontex a fini par se doter d’un "forum consultatif" sur les droits de l’homme. Y siègent des représentants d’institutions européennes et d’associations comme Caritas ou la Croix-Rouge. Un officier chargé des droits fondamentaux a aussi été nommé en 2012. "Mais il reste une vraie résistance à faire observer de façon indépendante les opérations", selon Mme Rodier.
Pour voir l’article en ligne :
http://www.lemonde.fr/international/article/2013/06/19/deux-erythreens-portent-plainte-pour-non-assistance-apres-leur-naufrage-en-mediterranee_3432601_3210.html