Immigration : les filières de la honte

La Dépêche.fr, 05/10/2013

Le naufrage au large de Lampedusa qui a fait 300 morts et disparus place l’Europe devant ses responsabilités face aux migrants qui fuient leurs pays en raison de la misère ou des guerres. En manquant de solidarité en son sein, l’Union européenne ne fait qu’aggraver les problèmes.

La tragédie de Lampedusa servira-t-elle d’électrochoc pour l’Europe ? Car c’est bien au niveau de l’Union européenne que peuvent intervenir des solutions susceptibles de réduire les flux migratoires des demandeurs d’asile, ou d’en amoindrir le choc. Or jusqu’à présent, on en est loin. « Malgré les différentes promesses de la Commission, de l’agence Frontex... qui assurent mettre en place des opérations pour faire diminuer le nombre de morts, la réalité leur donne tort, explique Olivier Clochard, président du réseau Migreurop. Les politiques restrictives mises en place en Europe continuent de prévaloir. Les opérations de Frontex portent davantage sur du contrôle que sur l’assistance aux bateaux en mer. Pire, les États de l’UE continuent de criminaliser l’aide ou le secours qui pourrait être porté aux boat-people en détresse dans l’espace méditerranéen. » Surtout, ils laissent les pays d’accueil se débrouiller seuls et, repliés sur leurs égoïsmes nationaux, redoutant leurs opinions publiques respectives, ils refusent de mettre en place une politique solidaire. En vingt ans, ce sont plus de 17 000 migrants qui ont trouvé la mort en voulant entrer en Europe. On évalue à 1500 le nombre de personnes qui tentent de gagner les côtes italiennes. Mais l’Espagne, Malte, Chypre sont également des destinations visées. Aux réfugiés provenant des pays du Maghreb ou de l’Afrique noire, s’ajoutent désormais ceux issus de la Syrie en guerre.

Qu’elle le veuille ou non l’Europe va devoir se pencher sur ce problème avec un peu plus de courage. « Frontex l’agence européenne chargée de surveiller les frontières, devrait être en mesure de porter secours à ces naufragés », affirme Jacques Barrot, commissaire européen à la justice, à la sécurité et aux libertés de 2008 à 2009, dans une interview au Monde.

L’Europe prévoit la mise en place d’un système Eurosur permettant une plus grande efficacité dans le sauvetage des navires en perdition. Encore faudra-t-il que les États européens acceptent de financer ce dispositif. Des partenariats avec des pays d’Afrique visant à définir une immigration légale sont à l’étude. Le Maroc en a conclu un. Le renforcement de la lutte contre les réseaux de passeurs est également envisagé. Mais ces différentes initiatives sont encore à l’état embryonnaire.

Jusqu’à présent, les drames liés à l’immigration se sont déroulés dans l’indifférence générale. En France, la CFDT a demandé hier au gouvernement d’intervenir auprès de la Commission européenne pour « mettre un terme » aux drames comme celui de Lampedusa, tandis que la CGT a souligné que le droit de sauvegarde de la vie en mer « doit rester inaliénable ».

Jean-Pierre Bédéï

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http://www.ladepeche.fr/article/2013/10/05/1724536-immigration-les-filieres-de-la-honte.html