Paroles d’expulsé.e.s
Depuis les années 1990, l’Union européenne s’est attelée au développement du volet « externe » de sa politique d’immigration et d’asile, autrement appelé « processus d’externalisation ». Nombre de moyens, dispositifs et outils ont été mis en œuvre pour faire en sorte que ce soit ses voisins (plus ou moins proches) qui se chargent du contrôle des flux migratoires. Parmi ces instruments se trouve une figure qui est devenue un des pivots de l’externalisation : l’accord de réadmission.
Les Etats membres de l’Union européenne, et l’Union elle-même, incitent en effet des Etats tiers à signer de tels accords qui les engagent à accepter le renvoi vers leur territoire de toutes les personnes jugées indésirables sur le sol européen (qu’il s’agisse de leurs propres ressortissant⋅e⋅s ou même de personnes qui n’ont pas leur nationalité mais qui y ont transité avant d’arriver en Europe). En échange, ces Etats tiers se voient proposer des « compensations », notamment en termes d’aide au développement, d’exemption ou de facilitation de délivrance de visas, ou encore en matière économique.
Face à l’opacité de la négociation comme de la mise en œuvre de ces accords, du peu d’information existant à leur égard, le réseau euro-africain Migreurop a constitué en 2008 un groupe de travail consacré à leur étude. Ce groupe s’attache à rechercher, répertorier et diffuser les textes de ces accords et alerte régulièrement les parlementaires nationaux, européens et en général la société civile sur les dangers de leur signature, notamment au regard du respect des droits de l’Homme.
Un moyen pour faire prendre conscience de cette réalité qui prend de plus en plus d’ampleur est de donner la parole aux premièr⋅e⋅s concerné⋅e⋅s : les « expulsé⋅e⋅s ». L’ouvrage « Paroles d’expulsé⋅e⋅s » est le fruit d’un travail mené collectivement avec d’autres associations partenaires du réseau Migreurop. Il veut non seulement expliquer les cadres juridiques dans lesquels sont organisées les « réadmissions » des migrant⋅e⋅s s, mais aussi et surtout porter la voix de personnes expulsées, renvoyées ou refoulées ; des voix qui rendent compte mieux que toute autre manière des effets dramatiques de ce processus.