Un réquisitoire de plomb
Audience du 9 février 2010
Avertissement : un procès à charge Le compte-rendu de l’observation judiciaire réalisée par Migreurop, présent pendant toute la durée du procès, donne l’impression d’un procès qui s’est déroulé entièrement à la charge de prévenus. De fait, à partir du quatrième jour, la défense a décidé de quitter le prétoire, estimant, après le refus de la présidente du tribunal d’accéder à ses demandes d’information complémentaire et de renvoi de l’audience, que les conditions d’un procès équitable n’étaient pas réunies. C’est donc en l’absence des prévenus, de leurs avocats et des témoins cités par la défense qu’a continué le procès. Migreurop a cependant continué son observation, dont la chronique quotidienne tout au long des huit jours d’audience reflète une implacable construction. Une construction qui, à partir de l’interprétation de bandes vidéos pour l’essentiel illisibles, de dépositions recueillies dans des conditions contestables et de témoignages provenant tous de source policière, a abouti à un réquisitoire de plomb que n’étaye aucune preuve formelle de culpabilité.
La présidente appelle les témoins cités par la défense. Aucun n’est présent. Elle donne toutefois lecture des déclarations faites par deux d’entre eux, parlementaires, au magistrat instructeur.
Le sénateur Jean Desessard, qui a visité plusieurs CRA et la zone d’attente de Roissy, s’était rendu au CRA de Vincennes quinze jours avant l’incendie. S’il a vu en général des conditions d’accueil « aussi dignes que possible » il a senti à Vincennes un climat de tension et une violence palpable, l’ayant laissé plus de deux heures « vidé » après avoir quitté les lieux. Il voit dans les événements du 22 juin les conséquences d’une émeute comme il peut s’en tenir en prison, fruit d’une agressivité entre retenus due à la surpopulation difficilement supportable. Son témoignage vise à souligner que si des responsabilités individuelles sont retenues elles doivent être appréciées au regard de ces conditions [1].
Le député Jean-Pierre Brard, alerté par le réseau RESF, s’était déplacé au CRA le 21 juin, après le décès de M. Souli. Sur place, un Malien lui avait donné des documents qu’il devait lui retourner lui rendre le lendemain. En arrivant le dimanche au CRA où l’incendie était déjà circonscrit, il y a vu les retenus assis par terre dans la cour. Comme il voulait téléphoner, mais que son téléphone était déchargé, un des retenus, M. D., lui a prêté le sien. L’intéressé n’était ni agité ni excité, mais lui a paru serein.
M. Brard ajoute dans la déclaration qu’il a faite au juge d’instruction que cette visite n’était pas la première qu’il faisait dans un CRA, et qu’il peut attester que les départs de feu y sont chose fréquente, et que les pompiers sont souvent appelés pour éteindre des débuts d’incendie.
La parole est ensuite donnée aux conseils des parties civiles. L’avocate des six fonctionnaires du CRA qui se sont constituées pour violences commence par souligner que malgré l’absence de la défense, elle est toutefois en mesure de lui répondre car les avocats des prévenus ont été là les trois premiers jours du procès et ont largement développé leurs arguments dans leurs conclusions de nullité, qui ont donné le ton qu’ils entendaient imprimer au procès, en parlant de procès politique.
Elle évoque les formules qu’elle a relevées dans les plaidoiries de la défense : référence au procès Clearstream, chronique d’une mort annoncée, univers concentrationnaire, rafles, formules qui faisaient écho aux slogans des manifestants de la rue, et souligne combien, à la date anniversaire de la libération d’Auschwitz, il était grave et choquant d’entendre assimiler les CRA à des camps et leurs gardiens à des kapos. Elle poursuit : ce procès n’est pas celui des CRA. Ceux-ci existent depuis 1981, et ont été institués pour garantir des droits aux retenus après que la situation du centre d’Arenc ait été rendue publique [2] . Ce n’est pas non plus le procès du CRA de Vincennes. On sait ce qu’il en est à l’intérieur. « C’est vrai que j’étais ignorante de ce dispositif », dit-elle, mais on a les témoignages de la police, on a aussi les vidéos qui montrent qu’on est bien loin de la prison. Certes il y a l’enfermement, mais les retenus ont des droits : on leur donne des nécessaires de toilette à leur arrivée, on leur propose un coffre pour garder leurs effets, il y a une infirmière en permanence - on peut vérifier sur le site de la Cimade - , les retenus ne restent que quelques jours, ils peuvent recevoir des visites, il s’y échange des cigarettes, des briquets, des allumettes, des portables dont l’usage est toléré, la nourriture est conforme aux rites religieux, les retenus disposent de playstations, de tables de ping-pong, c’est propre. Comme on peut le voir sur les bandes vidéos, les policiers ont une présence réduite au strict minimum, les reteProcès des "inculpés de Vincennes" : nus vont et viennent, changent de chambre, jouissent d’une grande liberté. Les policiers le disent : il faut éviter qu’il y ait du ressenti d’agression. Souvent les retenus exercent des violences entre eux ou sur eux-mêmes (bagarres, automutilations, tentatives de suicide) mais les 21 et 22 juin, cette violence ils l’ont exercée contre les forces de l’ordre. Le 21 juin, les premières échauffourées, les premiers incendies ont eu lieu après la mort de M . Souli, puis les choses se sont calmées. Le dimanche 22, c’était la marche religieuse, mais pas silencieuse selon un policier, puisqu’en même temps certains retenus ont commencé à sortir les matelas et les manifestants, à l’extérieur, ont « attisé le feu ». Une des fonctionnaires a été prise à parti, on lui a tiré les cheveux, elle est tombée, a été frappée à terre. Deux puis trois collègues sont venus à sa rescousse. Son réflexe a été de s’en aller, de partir, de refermer la porte derrière eux. Elle et ses collègues ont d’abord reçu des crachats, puis des projectiles : blocs de béton descellés, canettes, bouteilles, pour empêcher les policiers de venir éteindre le feu. Même les pompiers disent qu’ils n’ont pas pu intervenir avant l’arrivée des compagnies d’intervention.
Ce procès, c’est celui - s’agissant des clients de l’avocate - de six personnes, pas du CRA. La tâche du tribunal est de dire si les prévenus sont coupables des coups dont ils sont accusés.
A.A., actuellement sous mandat d’arrêt : on voit nettement sa participation sur les vidéos. N.O. a nié les faits alors que des photos le montrent en action. S’est déclaré en grève de la faim, quand celle-ci avait fini une semaine plus tôt. S.A. a d’abord nié, puis a admis qu’il avait lancé des pierres. A déclaré qu’il avait pris un cachet de subutex qu’un autre retenu lui aurait donné, alors que pour éviter les trafics c’est exclusivement l’infirmière qui délivrait les médicaments et obligeait les personnes à les avaler en sa présence. M.S. a aussi commencé par nier avant de dire qu’il avait voulu s’opposer à ce que les policiers entrent dans le centre. Il a été reconnu par une des parties civiles, ainsi que par d’autres fonctionnaires qui ont prêté serment, pour avoir lancé des morceaux de dalles arrachées. On l’identifie aussi sur des photos. A.B. a nié les faits, alors que sept témoignages de policiers le mettent en cause. Les témoins disent l’avoir vu cracher et pousser à terre une des parties civiles, d’autres ont reçu des coups de poing et des coups de pied, un morceau de parpaing, il est désigné comme « un des meneurs », « très agressif », « le plus virulent ». Tous les témoins l’ont reconnu sur les photos.
L’avocate demande : après, on vient nous expliquer qu’il n’y a pas de charges contre les prévenus ? Or soit ils ont reconnu les faits, soit ils ont été reconnus sur les photos et les vidéos. Elle parle ensuite des parties civiles : l’un a eu cinq jours d’ITT, une autre trois, avec une entorse bénigne. Une fonctionnaire a été traînée par terre, a eu trois semaines d’arrêt de travail, avait le bras enflé, elle est malgré tout venue travailler car on avait besoin d’elle. Un quatrième a eu huit jours d’arrêt de travail et a gardé des attelles pendant trois semaines. Une autre a inhalé des fumées toxiques, une semaine d’arrêt de travail. Un fonctionnaire qui travaillait dans la salle de vidéosurveillance a fait beaucoup d’allées et venues, a inhalé beaucoup de fumée. En tout, il a dû arrêter de travailler trois mois, il a gardé des séquelles de surdité. Aux demandes de dommages et intérêts pour ces violences s’ajoutent le préjudice moral. On a beaucoup parlé de la détresse des retenus, mais pas de celle des fonctionnaires. Eux, ils essaient toujours de discuter, de passer des cigarettes, d’expliquer, ils jouent un rôle humanitaire et social. L’avocate ajoute : rappelons-nous qu’il n’y avait pas 280 retenus surexcités au CRA de Vincennes, seulement une quinzaine. Les autres il a fallu les rassurer, les évacuer, s’occuper d’eux.
Prend ensuite la parole l’avocate de l’agent judiciaire du trésor. Qui n’a « pas honte de représenter ici l’Etat ». Elle explique que son rôle n’est pas de dire qui est coupable, mais de dire qu’on ne peut accepter les excès. Certes la situation est difficile dans les CRA, pas seulement en raison des conditions matérielles, mais aussi pour des causes psychologiques et morales, on peut comprendre les déchirements des retenus qui craignent d’être renvoyés dans des pays où ils sont menacés, qui sont séparés de leurs proches, mais on ne peut accepter les excès comme ceux qui ont été commis le 22 juin et comme ceux qui ont été prononcés lors de cette audience. On ne peut accepter les comparaisons intolérables. Il faut aussi comprendre la dure tâche des policiers de faire appliquer la loi dans des circonstances difficiles. Ils ne sont pas là pour réprimer, ils viennent en appui, et subissent une violence qui ne leur est pas destinée. L’Etat est là pour dire qu’il les soutient. Il les emploie, leur demande de faire respecter la loi, les a assistés, les a aidés, les a soignés : l’Etat demande le remboursement des sommes qu’il a dépensés à cette fin. Par ailleurs, l’Etat demande réparation pour les bâtiments détruits, même si cette demande est symbolique parce qu’on sait pertinemment qu’il n’y aura jamais remboursement. Pour l’instant, le préjudice n’est pas chiffrable, c’est pourquoi est demandé un sursis à statuer.
C’est ensuite au procureur de s’exprimer. Il est d’accord avec les parties civiles pour trouver honteuses les comparaisons avec l’univers concentrationnaire et les prisons de 1942. Il y voit une curieuse conception de l’histoire et une manipulation dangereuse et inquiétante, bien difficile à entendre, un outrage à la mémoire, à l’histoire, à ceux qui travaillent dans les CRA, ainsi qu’aux retenus qui y disposent de droits et ne sont pas promis aux camps d’extermination. Il évoque ensuite un article de presse selon lequel les avocats ont « déserté le prétoire » en renonçant à ce qu’ils réclamaient : un débat contradictoire. Il retient le terme « déserter » en soulignant qu’il s’agit d’un mauvais coup porté à la justice, qui interroge aussi sur l’intérêt de la démarche pour les clients. Il conclut son préambule en souhaitant « que raison revienne ».
« Concertation » Le procureur propose ensuite un retour sur la chronologie, s’appliquant à souligner le caractère sinon prémédité du moins très organisé des événements du 22 juin. Il rappelle les propos d’une des parties civiles selon laquelle on a entendu des retenus dire, après la mort de M. Souli, qu’ils voulaient mettre le feu. « La hiérarchie a été prévenue ». Il continue : vers 15h le 22 juin, une prière est organisée en mémoire à M. Souli ; sur la bande vidéo on voit qu’à 15h23 commence la première manifestation d’une quarantaine de personnes au CRA2, qui se déroule à peu près tranquillement. A 15h25 les retenus du CRA1 ont leur attention attirée par des cris de manifestants à l’extérieur du CRA, ainsi que par des slogans du CRA2. Une première vitre tombe au CRA1. A 15h27 des policiers entrent au CRA1. Au même moment dans le CRA2, plusieurs retenus parmi lesquels une personne mise en examen et ayant bénéficié d’un non-lieu, ainsi que d’autres dont M.D. sortent des matelas. A 15h33, départ de feu dans une chambre. A 15h36, les matelas commencent à brûler. En très peu de temps le bâtiment du CRA2 brûle et il y a un départ de feu au CRA1. Ainsi, en quelques minutes, plusieurs événements se déroulent de manière qu’on peut presque dire coordonnée. A 15h41 les pompiers arrivent. A 15h46 ils commencent à intervenir, leur travail durera plusieurs heures. « L’espèce de concertation » qui aboutit à cette action dans les deux centres a un même objectif : détruire les bâtiments. Ceci ressort clairement d’une analyse de la chronologie : sinon préméditation, il y a eu un minimum de concertation entre les retenus de deux centres.
Le contexte : la mort de M. Souli, la veille, est naturelle, due à un syndrome asphyxique. On note qu’il est resté dans cet état sous le regard de ses co-retenus, qui n’ont pas alerté immédiatement les policiers qui étaient disponibles. Mais aussitôt après il y a eu une rumeur, des cris « à l’assassin », « au meurtre ». A l’instruction, M.D. a d’abord parlé de « meurtre », puis de « mort ». La mort de M. Souli a immédiatement été exploitée, elle a permis à certains de faire valoir l’intérêt d’une démarche plus violente : ceci ressort nettement de ce qu’a dit une des parties civiles. Et la défense banalise la fréquence des départs de feu dans les CRA. On a parlé du climat (témoignage de M. Desessart, rapport du contrôleur général). Mais on est dans un lieu bien particulier, où les fonctionnaires ont une déontologie, ils savent que la situation est difficile mais on a des droits, ce n’est pas un lieu comme en 1942, mais un lieu où ils sont retenus avec une liberté limitée. Ceci entraîne des rapports difficiles, comme dans certaines maisons d’arrêt. Les vidéos permettent de voir aussi que certains ont joué un rôle plus important que d’autres au CRA1. Le procureur revient enfin sur le rapport contesté, parce que non contradictoire, du laboratoire de la police scientifique, qu’il juge très éclairant. Selon ce rapport, il y a eu plusieurs départs de feu simultanés, et non pas communication entre incendies, ce qui atteste du caractère volontaire de l’incendie. Le rapport s’interroge ensuite sur la manière dont le feu a pris. Il n’y a pas eu besoin d’accélérateur car les matelas n’étaient pas ignifugés, il suffisait d’une flamme.
Le réquisitoire
Au CRA1
A.B. est poursuivi uniquement pour violences sur policiers en réunion avec ITT inférieure à huit jours. Quand on voit la vidéo « pas de doute possible ». Il était énervé, donne des coups de pieds et des coups de poing. Pour se justifier il dit n’être pas dans son état normal, parle d’un traitement médical lourd (deroxal) interrompu par l’arrivée au CRA. Mais les vérifications ne confirment pas cette thèse. Il n’y a pas de demande de rencontre avec un psychiatre, il n’a jamais été à l’infirmerie. Les conséquences de l’arrêt brutal du deroxal ne sont pas des symptômes de violence. Sur les vidéos l’intéressé ne présente aucun signe de sevrage, n’a pas l’air souffrant. Il n’y a donc pas de raison médicale qui justifient ces violences : 6 à 8 mois ferme requis.
M.S. renvoyé pour trois chefs d’accusation : violences, dégradations de biens, incendie. Pas de doute permis d’après les photos et les vidéos. Les violences : il a contesté mais il est vu sur les photos en train de jeter des projectiles sur les policiers. Incendie : on le voit entrer dans la chambre 9 à 15h37 où il retrouve N.O. et X.B., il sort à 15h41, à 15h42 les flammes sortent de cette chambre : 36 mois dont 6 avec sursis.
N.O. : on le voit avec S.A. saisir une porte et fracasser avec violence une vitre du local appelé « le bocal ». Il est très agité sur la vidéo. Il est coupable de violences, a participé aux échauffourées, a jeté des pierres sur les policiers, on le voit entrer dans une pièce avec M.S., en en sortir juste avant le départ du feu dans cette pièce : 36 mois dont 6 avec sursis.
S.A. : des photos le montrent en train de jeter de gros morceaux de béton contre les policiers et les bâtiments pour les dégrader. Il est avec N.O. sur la porte qui a servi à casser une vitre : 18 mois dont 6 avec sursis
A.A. : (sous mandat d’arrêt) il était avec N.O. et M.S. dans la pièce dont il est sorti juste avant que le feu ne s’embrase. On le voit sur les photos lancer des blocs de béton sur les policiers : 3 ans d’emprisonnement.
A.Bo : on le voit sur des photos lancer des projectiles et s’affronter aux policiers, échanges de coups. Il se montre très agressif. On le voit aussi notamment avec M.S. et S.A. essayer d’empêcher les policiers de fermer la porte : 6 mois.
Au CRA2, on trouve, dit le procureur, « des personnalités qui ont marqué la vie du CRA et de ce dossier ».
A.D. était vêtu de manière très reconnaissable sur les photos (béret bleu gris). Il est coupable d’une seule mise à feu, mais importante. Bouge beaucoup sur les photos, très actif pour sortir les matelas du CRA, en accompagnant Ma.D. qui portait un chiffon allumé, ainsi que M.D. dans la chambre 2. On le voit faire des allers-retours avec un drap (inflammable, selon le labo), pour fournir du combustible. Les horaires démontrent le lien de causalité entre les actes et l’incendie : il entre à 15h33 dans la chambre 2, sort un peu avant 15h36, la fumée sort de la chambre à 15h36, à 15h37 le feu explose. On ne le voit pas mettre le feu mais ils étaient dans la pièce et dès leur sortie il a pris : pas de doute. Pour le feu extérieur, il était à côté de E.M. et n’y a pas pris part. Mais il animait le mouvement pour sortir des matelas avec l’objectif de les incendier : 30 mois dont 6 avec sursis.
M.D. : « personnalité intéressante, dont le tribunal n’a pu faire le tour car il n’est pas resté assez longtemps ». Il crie beaucoup, dit des bêtises. A une fonctionnaire qui voulait lui serrer la main il refuse en disant « je ne parle pas aux femelles », proteste beaucoup, dit qu’il est français. Il a une situation administrative différente des autres. « Mais il n’est pas question de cela », dit le procureur. « Il est question de l’incendie ». M.D. est reconnaissable à sa stature, sur les photos il a un Coran à la main, dont il se sert à un moment pour masquer une caméra. En regardant les vidéos on voit qu’il a joué un rôle moteur dans les mises à feu. Il était avec les autres qui sont entrés dans la chambre, et a alimenté le feu avec des matelas. Il a renversé une table de ping pong (ce qui n’a pas été retenu contre lui), mais il doit être condamné pour dégradation par incendie. Et s’il considère qu’il était irrégulièrement retenu, il a participé à l’incendie : ça ressort du film, des témoignages des policiers, mais aussi de ses déclarations « détruire le CRA, mettre le feu » : 36 mois dont 6 avec sursis.
E.M. : le plus jeune et apparemment le plus fragile lors des interrogatoires. Il ne paraît pas un « foudre de guerre ». A dit Procès des "inculpés de Vincennes" : qu’il n’avait qu’une volonté, c’est rentrer chez lui. Concernant les faits : on le voit, sous le regard de N.O., accroupi près des matelas, farfouiller dessous, se lever, s’éloigner, se retourner pour regarder, et autour des retenus se masquer le nez, puis on voit la fumée, et l’arrivée des policiers pour arrêter le feu. E.M. a voulu se justifier, d’abord en disant qu’il n’était pas là, puis au vu des photos il a dit qu’il cherchait sa montre et son argent dans les matelas - mais les matelas sont sans housse, précise le procureur. Il est donc bien responsable du départ d’incendie : 18 mois dont 8 avec sursis.
Ma.D. : « personnalité sympathique », en France depuis huit ans, est allé huit fois en CRA, « s’y trouve bien ». Dit qu’il a trouvé ce chiffon enflammé avec lequel on le voit, qu’il a voulu le jeter, mais « curieusement on le voit le portant précautionneusement » dans la pièce d’où est parti le feu après qu’il en soit sorti : 30 mois dont 6 avec sursis.
Le procureur précise que pour tous les prévenus, le tribunal peut s’il le veut prononcer un mandat d’arrêt.
Concluant sur l’absence de la défense, il y voit « un problème pour les prévenus qui ne seront pas défendus ». Et ajoute enfin que si l’agent judiciaire du Trésor est représenté, et que les dégradations sont très importantes, le préjudice n’est pas évalué,. La nature de ces dégradations ne peut être prise en compte pour les peines. « J’ai essayé », dit le procureur, « de ne pas tenir compte de l’après ». Des victimes par fumées toxiques, mais pourquoi sont-elles toxiques ? Les prévenus doivent être condamnés pour le geste qui a entraîné l’incendie, mais pourquoi les draps et les matelas n’étaient-ils pas ignifugés ? Pourquoi, le lendemain du 21 où il y avait eu des heurts et des violences, les extincteurs n’étaient-ils pas en état de marche ? Si le tribunal doit se prononcer sur les dommages intérêts, il devra ordonner une expertise pour évaluer la façon dont le feu s’est propagé. C’est important non seulement pour la peine, mais aussi pour le respect des policiers qui travaillent au CRA. Il y a là une responsabilité morale et sans doute une responsabilité pénale.
Le jugement est mis en délibéré jusqu’au 17 mars, 13h30.
L’audience est levée à 16h15.