Pas de concertation, le procès continue

Audience du 2 février 2010

Avertissement : un procès à charge Le compte-rendu de l’observation judiciaire réalisée par Migreurop, présent pendant toute la durée du procès, donne l’impression d’un procès qui s’est déroulé entièrement à la charge de prévenus. De fait, à partir du quatrième jour, la défense a décidé de quitter le prétoire, estimant, après le refus de la présidente du tribunal d’accéder à ses demandes d’information complémentaire et de renvoi de l’audience, que les conditions d’un procès équitable n’étaient pas réunies. C’est donc en l’absence des prévenus, de leurs avocats et des témoins cités par la défense qu’a continué le procès. Migreurop a cependant continué son observation, dont la chronique quotidienne tout au long des huit jours d’audience reflète une implacable construction. Une construction qui, à partir de l’interprétation de bandes vidéos pour l’essentiel illisibles, de dépositions recueillies dans des conditions contestables et de témoignages provenant tous de source policière, a abouti à un réquisitoire de plomb que n’étaye aucune preuve formelle de culpabilité.

13h30, dans la salle d’audience, très peu de monde, le visionnage de la veille a dû en décourager plus d’un. Le vice bâtonnier est déjà là ainsi que Me Henri Leclerc, en soutien à ces confrères, trois gendarmes, et quatre personnes dans le public. Trois avocats de la défense arrivent.

13h40, l’audience débute. La présidente du tribunal renvoie plusieurs affaires audiencées aujourd’hui. Les parties civiles et leurs avocats arrivent.
Le vice bâtonnier interpelle le tribunal et s’émeut de la situation : « plus de prévenus, plus d’avocats ». Il souligne que « c’est comme si la justice devait passer à tout prix ». Il rappelle que ce n’est pas par commodité, ni par agressivité envers le tribunal que ses confrères de la défense demandent le renvoi du procès. Le dossier d’instruction est arrivé au tribunal, celui-ci a jugé qu’il manquait des pièces au dossier. Le vice bâtonnier soulève le paradoxe : d’un côté le tribunal ouvre des droits à la défense en accordant la levée des scellés concernant les vidéosurveillances des CRA 1 et 2 mais de l’autre, il la met dans une position difficile en fixant un calendrier qui ne lui permet pas de s’organiser. Monsieur Le Borgne rappelle que le procès équitable est une notion floue mais qu’en l’espèce, la défense ne peut pas matériellement exercer pleinement ses fonctions. Il rappelle qu’il n’y a pas de caractère urgent dans cette affaire et souligne que le tribunal a, à l’instant, renvoyé plusieurs autres affaires à des dates ultérieures. Le vice bâtonnier poursuit en citant un proverbe britannique : « il ne suffit pas que la justice soit juste mais il faut qu’elle en ait l’apparence ». Si la défense estime que ces droits ne sont pas respectés, le procès ne peut être équitable.
Monsieur Le Borgne plaide pour un renvoi dans des conditions sereines, malgré les tensions qui peuvent exister de chaque côté de la barre.
La présidente demande au parquet s’il a des observations.
Le procureur estime que le procès est équitable puisque sur la demande de la défense, les vidéosurveillances sont visionnées, quant à la fixation des nouvelles audiences elle respecte le contradictoire puisque le bâtonnier était présent. Il conclut que le parquet est également attaché au principe du contradictoire, et que les prévenus doivent être défendus, les droits de la défense n’étant pas violés dans ce tribunal.
Le vice bâtonnier estime qu’il serait sage de trouver une solution commune, soulignant que les avocats de la partie civile peuvent également être gênés par les nouvelles dates d’audience. La présidente répond « les avocats de la partie civile, eux, sont là, la décision de non renvoi à été prise hier, nous ne reviendrons pas dessus ». « Le tribunal a une logique et continuera dans cette logique avec ou sans les avocats, avec ou sans les prévenus ». Se pose la question de la nature de la décision de prolongation des audiences. Pour la défense, il ne s’agit pas d’un jugement. Mme Dutartre répond que « le jugement existe, il faut demander une copie. Si les avocats l’avaient demandé, ils auraient eu une copie, personne ne l’a demandé »
Me Braun intervient « Il y a un jugement aujourd’hui, il n’en n’y avait pas hier ». La présidente répond « si, mais vous ne l’avez pas demandé ».
Les heurts entre le tribunal et les avocats de la défense continuent un bref instant, jusqu’au moment où le vice bâtonnier sort de la salle, les avocats de la défense le suivent. La salle d’audience est une fois de plus vide de défense, il est 14h05, l’audience est suspendue avant le visionnage des vidéos du CRA 2.

14h10, l’audience reprend. L’interprète est une fois de plus remercié pour cet après midi et invité à revenir demain à la même heure. Mme Dutartre mentionne que les scellés 5 et 7 devraient être ouverts mais seules le scellé 7 sera visionné car le scellé 5 n’est qu’une sélection du scellé 7.
Le scellé 7 est ouvert, nous verrons à l’image les unités 1, 2, 3, 5, 6, 7 du CRA 2 pour la période horaire allant de 15h00 à 16h00, la journée du 22 juin 2008. La présidente précise que quatre des prévenus sont concernées par ces vidéos, mis en examen pour incendie volontaire.

14h24, le visionnage commence. Quatre écrans sur le moniteur : trois intérieurs et une vidéo sur une entrée du bâtiment C. De quatre écrans, nous passons à sept écrans : 4 intérieurs couloirs et 3 portes d’entrée du bâtiment C.

Tout est calme, les détenus vont et viennent.

La juge précise que les vidéos que nous regardons sont des montages à partir des bandes originales, les appareils ayant été endommagés lors de l’incendie. Ainsi, toutes les deux minutes, la greffière doit changer de bande vidéo sur son ordinateur.

Pendant environ 30 minutes, tout paraît calme sur les sept écrans puis soudain de nombreux détenus passent dans le couloir, ils paraissent agités. Des matelas et des draps sont sortis à l’extérieur du bâtiment. Le tribunal et le parquet reste silencieux devant ces images. Les écrans 1 et 2 deviennent noirs.

14h59, Mme Dutartre suspend l’audience.

15h10, l’audience reprend.

Après quelque minutes, l’écran 1 est de nouveau en état de marche, des flammes sont visibles à l’extérieur du centre, devant la porte d’entrée. Puis, les trois premiers écrans se noircissent de fumée. Des détenus sortent du bâtiment. Sur l’écran 5, on voit d’abord un policier, puis plusieurs dont un avec un extincteur. Le feu paraît maitrisé après quelques instants, de l’eau est visible sur le sol à l’extérieur du bâtiment où se trouvait les flammes quelques minutes auparavant. Les allers et venus des détenus entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment continuent.

15h23, l’audience est suspendue. Un des gendarmes propose que les observateurs se déplacent dans le box des journalistes pour être plus à l’aise. Nous précisons que cela nous est refusé depuis le début du procès malgré plusieurs requêtes auprès des effectifs de gendarmerie présents dans la salle d’audience. Le gendarme précise que comme il y a très peu de journalistes (ce qui était également le cas mercredi dernier mais également lundi de cette semaine), nous pouvons nous y installer.

15h32, l’audience reprend.

Une nouvelle vidéo, neuf écrans, seulement sept fonctionnent. Toutes les vidéos sont axées sur l’extérieur d’un bâtiment du CRA ou sur les portes d’entrée de ce même bâtiment mais prises de l’extérieur. C’est le calme complet, peu de personnes sur les images. Environ quinze minutes après, nous voyons passer un groupe de détenus très rapidement, ils sortent de l’écran.

Dans la salle d’audience, au niveau de la formation des juges, il paraît y avoir un problème. Un premier assesseur sort, le deuxième, puis la présidente, sans un mot. Le procureur se lève, sourit et va discuter avec les avocats de la partie civile. Le public s’interroge.

15h52, l’audience reprend. La présidente informe la salle que l’audience est levée pour aujourd’hui « pour des raisons indépendantes de la volonté du tribunal ».

L’audience reprendra demain, même heure (14h00), même chambre (16ème chambre). Nous apprendrons à l’extérieur de la salle d’audience qu’un des assesseurs est malade.