Une gestion « concertée » de flux migratoires au détriment des droits des migrants
Les associations appellent les députés à refuser les accords de « gestion concertée » soumis à leur vote le 14 mai
L’Assemblée nationale examinera ce jeudi 14 mai quatre projets de lois autorisant l’approbation des accords relatifs « à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement » entre la France et la Tunisie, la République du Congo (Congo-Brazzaville), le Bénin et le Sénégal.
Ce n’est pas la première fois que le Parlement se penche sur de tels accords. Le premier du genre, avec le Gabon, est entré en vigueur le 1er septembre 2008. Ce ne sera pas non plus la dernière : d’autres accords ont été signés mais ne sont pas encore examinés (Cap Vert, Ile Maurice, Burkina Faso), ou bien sont en cours de négociation (Mali, Cameroun, Haïti, Philippines, Egypte). La France s’est fixé pour objectif d’en conclure sept par an d’ici 2011.
Les accords de gestion « concertée » des flux migratoires comprennent trois volets :
– des possibilités de « migration légale » extrêmement limitées et déjà prévues par les dispositifs de droit commun ;
– la lutte contre l’immigration irrégulière, avec des clauses par lesquelles les Etats s’engagent à réadmettre leurs propres ressortissants en situation irrégulière voire, pour certains (Gabon, Congo, Bénin), les ressortissants de pays tiers ayant transité par leur territoire ;
– une politique présentée comme "ambitieuse" en matière de « développement solidaire », mais entièrement subordonnée à la collaboration des pays concernés à la lutte contre l’immigration « illégale ».
Outre que ces accords sont déséquilibrés, conclus essentiellement à l’avantage de la France pour servir ses objectifs de renforcement des contrôles migratoires, ils portent en eux des risques importants de violation des droits des migrants. Le volet consacré à la réadmission des personnes en situation irrégulière soulève les plus grandes inquiétudes : les modalités prévues pour « établir » soit la nationalité de personnes à expulser, soit le transit par le territoire des Etats parties, permettent le renvoi de personnes vers des pays qu’elles ne connaissent pas, sans garantie suffisante de respect des droits fondamentaux. Il existe en outre un risque important de refoulement vers un pays où les droits fondamentaux pourraient être bafoués en violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Nous savons aujourd’hui que ces risques sont réels : la mise en oeuvre des accords signés par l’Italie avec la Libye, la Tunisie et l’Egypte et ceux signés par l’Espagne, avec des pays d’Afrique subsaharienne (dans le cadre de son « plan Afrique ») a déjà conduit à des renvois massifs et à de graves atteintes aux droits des migrants régulièrement dénoncées par des ONG de défense des droits de l’homme.
En 2008, Amnesty international a rendu public un rapport sur la situation dramatique de migrants expulsés depuis l’Espagne vers la Mauritanie, en exécution d’un accord de réadmission signé en 2003 : pratiques de détention prolongée, mauvais traitements, absence de procédure équitable du droit d’asile, renvoi des mineurs isolés, etc.
Quant au « développement solidaire », il est inacceptable de subordonner l’aide au développement à la « maîtrise des flux migratoires » au prétexte d’un lien de cause à effet, par ailleurs nullement démontré, entre développement et baisse des migrations.
Nous demandons aux membres de l’Assemblée nationale de procéder à un examen approfondi des implications, des conséquences et des risques que font peser ces accords tant sur les droits des personnes que sur les sociétés civiles des pays concernés.
Un tel examen ne pourra conduire qu’à refuser l’approbation de ces accords le 14 mai prochain.
Signataires : Act-Up Paris, Association des travailleurs maghrébins de France, Cimade, Collectif Haïti, Gisti, Mrap, Plateforme d’associations franco-haïtiennes, Union des associations latino-américaines en France.