Londres évoque une amnistie pour plus d’un demi-million de clandestins
Le ministère de l’Intérieur britannique a évoqué pour la première fois l’éventualité d’une amnistie pour plus d’un demi-million d’immigrants clandestins et de demandeurs d’asile déboutés dont quelque 9 000 Algériens séjournant en Grande-Bretagne.
Le nouveau secrétaire d’Etat britannique chargé de l’immigration, Liam Byrne, a soumis cette option à la commission des affaires internes à la chambre basse du Parlement. Elle se base, a-t-il expliqué, sur une étude effectuée par son département qui a conclu que l’option de renvoi des immigrants illégaux prendrait au moins une vingtaine d’années, même si leurs pays respectifs acceptent de les accueillir.
L’opération toucherait quelque 570 000 immigrants économiques et des demandeurs d’asile déboutés. Le processus est retenu suite aux fortes pressions exercées par les associations, les syndicats et les leaders religieux qui ont appelé à la régularisation de cette masse d’expatriés.
Le précédent gouvernement dirigé par les conservateurs avait accepté de recourir à des arrangements pour les immigrants clandestins dont les demandes de régularisation sont en souffrance depuis plusieurs années, mais sans pour autant suggérer une amnistie.
Toutefois, M. Byrne, qui occupe son poste depuis moins de deux semaines à la faveur du dernier remaniement au sein du cabinet de Tony Blair, a précisé qu’il était trop tôt pour savoir s’il allait envisager une régularisation, ajoutant qu’il avait confié à une équipe d’experts au sein de son département le soin de se pencher sur la question sans exclure l’idée d’une amnistie.
« J’ai besoin de comprendre avec tous les détails nécessaires quelles sont les franges d’individus qui n’ont pas été encore régularisées. C’est ainsi que j’ai chargé des experts de le faire », a-t-il dit devant les membres du Parlement qui l’interrogeaient sur cette éventuelle mesure.
Selon un haut responsable du ministère de l’Intérieur cité hier par des journaux britanniques, le nombre exact des immigrants clandestins n’est pas officiellement connu. Ils seraient entre 310 000 et 570 000 selon des instituts spécialisés, et près de million selon des chiffres avancés par des associations de défense des droits des immigrants.
Si la mesure d’amnistie était retenue, elle pourrait profiter à plus de 9 000 Algériens, en majorité des demandeurs d’asile humanitaire, qui sont en situation irrégulière. Ce chiffre avait été établi par le ministère de l’Intérieur britannique sur la base du fichier des demandes d’asile d’Algériens qui sont en étude ou ont été rejetées par les services d’immigration ces dernières années.
Mais le ministère estime que ce chiffre pourrait être en deçà de la réalité, compte tenu du fait que beaucoup d’Algériens vivent clandestinement sur le sol britannique sans jamais avoir introduit la moindre demande de régularisation de leur situation.
Selon les statistiques officielles, quelque 10 000 Algériens sont entrés en Grande-Bretagne durant les dix dernières années, alors que la communauté algérienne dans ce pays compterait quelque 40 000 personnes. Par ailleurs, l’éventualité de régularisation à grande échelle n’est pas du goût de quelques hommes politiques britanniques, car elle risque de contrarier les autres Etats membres de l’Union européenne.
« Une fois régularisés, ces immigrants pourraient ensuite se déplacer librement dans les 25 pays de l’Union et éventuellement s’y installer », ont estimé des députés conservateurs. D’autres considèrent que la nouvelle politique mise en place depuis peu par le gouvernement Blair pourrait donner lieu à des régularisations, notamment de la main-d’œuvre qualifiée.
Soutenu par le patronat, M. Blair plaide pour une économie ouverte sur l’extérieur, pour laquelle l’apport de main-d’œuvre reste une denrée vitale mais soumise à une sélection. Autrement dit, plus un immigré possède de qualifications, plus son dossier a de chance de recevoir un avis favorable.
Pour les emplois non qualifiés dont ont besoin les secteurs de la construction ou de la restauration, des quotas révisables seront institués en fonction de la conjoncture. Cette option est également défendue par le ministre de l’Intérieur, David Blunkett, partisan de la « britannité » (britishness), une immigration basée sur les besoins du pays.