Le Parti socialiste espagnol veut mettre fin aux régularisations massives de sans-papiers
Le Monde
Les socialistes espagnols confirment qu’ils sont tentés d’effectuer un virage de leur politique d’immigration.
José Blanco, le numéro deux du PSOE derrière José Luis Rodriguez Zapatero, a écarté, dans un entretien publié par le quotidien El País, lundi 11 septembre, l’hypothèse de nouvelles régularisations massives d’immigrants irréguliers, telles que celle qui a eu lieu en 2005, accordant un titre de séjour à 600 000 travailleurs sans papiers, mais avec emploi. En outre, M. Blanco a averti que ceux qui n’entrent pas régulièrement en Espagne devront "partir".
Interrogé sur le sort des "800 000 irréguliers" qui seraient présents sur le territoire espagnol, le dirigeant socialiste a répondu : « L’immense majorité de ces personnes devra être expulsées ». Jusqu’à présent, le discours socialiste mettait en avant le fait qu’en Espagne, l’immigration répond aux besoins d’une économie qui connaît une forte et durable croissance riche en créations d’emplois ; et le refus que se consolide une poche d’immigrés installés dans l’illégalité, pour des raisons à la fois morales et économiques.
Lors du débat sur l’état de la nation, en mai, M. Zapatero avait ainsi justifié les régularisations de 2005 : « Nous ne résoudrons jamais la question des immigrés irréguliers de façon complète par les expulsions. (...) Pouvons-nous les laisser dans l’irrégularité ? (...) Tout ce que nous avions obtenu (précédemment), c’est que ceux qui étaient venus travaillaient illégalement, renforçant l’économie souterraine et la concurrence déloyale ».
Pour expliquer le changement radical de son parti, le secrétaire à l’Organisation du PSOE met en avant l’argument selon lequel « le marché du travail a déjà absorbé tout ce qu’il pouvait ». A partir de là, continue-t-il, « l’entrée illégale ne peut conduire à la régularisation ». A un certain moment, il faut fixer une limite. José Blanco est un très proche collaborateur de M. Zapatero. Il est rare que ses propos soient désavoués par le chef du gouvernement espagnol. Cette fois, pourtant, l’entourage de M. Zapatero a indiqué au Monde que ces propos « reflètent l’opinion du parti, pas nécessairement celle du gouvernement », en ce qui concerne la capacité d’absorption de l’économie. Valeriano Gomez, secrétaire général à l’emploi (poste dépendant du gouvernement) a précisé, lundi, que le marché espagnol « aura encore besoin d’immigrés pendant longtemps », mais d’immigrés en règle.
Pour le patron des patrons espagnols, José Maria Cuevas, M. Blanco adresse un message politique, pas patronal ni économique.« Aucun marché du travail ne peut être considéré comme fermé d’un point de vue entrepreneurial », a-t-il fait valoir.
Mais aucune rectification n’est venue amender les déclarations de M. Blanco sur le fait qu’il n’y aura plus de régularisations massives et que les clandestins doivent être expulsés.
"SAUF CONSENSUS"
Or la régularisation de 2005 est au coeur des reproches adressés à M. Zapatero tant par son opposition que par d’autres responsables européens, à commencer par Nicolas Sarkozy.
Le Parti populaire espagnol a applaudi aux propos du ministre français de l’intérieur qui, le 8 septembre à Bruxelles, a invité « les Etats qui se sont livrés à des régularisations massives, sans demander l’avis de leurs partenaires » à ne pas se « plaindre d’être aujourd’hui en première ligne des flots d’immigration clandestine massifs ». Le Parti populaire a d’ailleurs proposé, lundi, de modifier la loi sur le séjour des étrangers pour y interdire les régularisations massives. M. Blanco a écarté l’idée d’une modification de cette loi "sauf consensus" notamment sur le délai maximum (actuellement de 40 jours) pendant lequel un immigré peut être retenu avant d’être expulsé ou remis en liberté.
Selon les derniers chiffres du ministre du travail, chargé de l’immigration, l’Espagne aurait régularisé 1,147 million d’étrangers depuis 1985. Les étrangers en situation régulière sont aujourd’hui 2,8 millions. Leur nombre a décuplé en dix ans. Les clandestins originaires d’Afrique noire, dont les arrivées sur l’archipel des Canaries ont déclenché l’actuelle crise, sont officiellement moins de 200 000. Moins de 20 000 ont été régularisés l’an passé. L’essentiel de l’immigration, en Espagne, provient du Maroc (500 000 personnes) et d’Amérique latine (1 million), les Roumains constituant la troisième communauté.