Espagne : Les immigrés contribuent fortement à la croissance

Le Monde

L’immigration est l’un des moteurs de la croissance durablement soutenue dont bénéficie l’Espagne depuis plusieurs années (3,6 % par an en moyenne depuis 1995). Cette conviction, partagée par l’ensemble des forces politiques du pays, est étayée par la dernière étude de la Caixa de Catalunya consacrée à l’impact des variables démographiques sur la croissance en Europe.

Les caisses, en Espagne, sont des institutions financières à vocation sociale. Selon les simulations effectuées par la deuxième grande caisse de Catalogne, sans l’arrivée de 3,3 millions d’immigrés de 1995 à 2005, le produit intérieur brut (PIB) par habitant, en Espagne, aurait baissé en moyenne de 0,64 % par an, au lieu de croître, comme il l’a fait, de 2,60%.

De la même manière, l’organisme a calculé que, sans l’apport de l’immigration, le PIB par tête de l’ancienne Europe des quinze (UE-15), qui a crû de 1,79 % par an pendant cette période, aurait reculé, dans une moindre mesure, de 0,23 % par an.

Les particularités de la démographie espagnole expliqueraient pourquoi, en ce qui concerne la progression du PIB par habitant, l’Espagne a fait mieux que de nombreux autres Etats membres, à l’exception de l’Irlande (+5,87% par an), de la Grèce (3,42 %) et de la Finlande (3,18 %). La France et l’Allemagne se contentent respectivement de 1,61 % et 1,28 %.

DÉSILLUSIONS DEMAIN

Sur la décennie étudiée, l’Espagne est le pays de l’UE-15 à avoir accueilli le plus grand nombre d’étrangers (3,3 millions), devant l’Allemagne (2,22 millions), l’Italie (1,90) et la Grande-Bretagne (1,27). La France se situe loin derrière ce carré de tête, avec 618 000 nouveaux immigrés.

Cette immigration vient du Maroc (500 000), d’Amérique latine - dont 300 000 Equatoriens -, et, plus récemment, d’Europe de l’Est, surtout de Roumanie (300 000). Madrid a supprimé le 1er mai toute restriction à l’arrivée de salariés venant des nouveaux membres de l’UE. Publiée, le 25 juillet, la dernière étude démographique de l’Institut espagnol de la statistique (INE) indique que l’Espagne comptait, au 1er janvier, 44,39 millions d’habitants (+ 0,65 % en un an), dont 3,88 millions d’étrangers (+ 4,13 %), soit 8,7 % de la population. A cela, il faut ajouter, malgré les régularisations, un nombre de travailleurs clandestins que le gouvernement estime à 700 000.

L’afflux d’étrangers explique près de 80 % de la forte croissance de la population espagnole, ces dix dernières années (10,7 %). Une progression trois fois supérieure à la moyenne de celle des autres pays de l’UE-15 et qui fait que 28 % de la croissance de la population européenne est due à l’Espagne.

Conjuguée à l’arrivée massive, plus récente que dans les autres pays, des femmes espagnoles sur le marché du travail, l’immigration a contribué à la forte croissance de la population active espagnole, les immigrés se concentrant dans les classes d’âge actives. Il est à noter, selon l’étude de la banque, qu’un tiers de l’accroissement de la population active de l’UE-15 est le fait de l’Espagne. Or, il existe une corrélation entre l’augmentation relative de la population active dans la population totale et la hausse du PIB par habitant.

Le document souligne à quel point la croissance espagnole est tributaire du facteur démographique, sans lequel "elle est modeste". Si l’on neutralise l’évolution démographique, affirme les auteurs de l’étude, le PIB espagnol aurait reculé de 1,2 % par an au lieu de croître de 3,6 %.

Soumises à la même simulation, les autres économies européennes gardent, elles, une croissance positive. Ce qui est une force pour l’économie espagnole - tant qu’elle a encore des réservoirs de mains-d’oeuvre - pourrait réserver des désillusions, demain, lorsque les baby boomers partiront en retraite, soulignent les auteurs.

Source : Article paru dans "Le Monde"