Madrid réclame « bateaux et avions » contre l’immigration

Le Figaro, 31 août 2006

La vice-premier ministre espagnol Maria Teresa Fernandez de La Vega s’est plaint, hier, à Bruxelles, du manque de moyens européens pour lutter contre l’immigration clandestine aux Canaries.

Impuissante face à l’arrivée de milliers d’immigrés clandestins aux îles Canaries, l’Espagne est venue réclamer, hier, à Bruxelles, « plus de moyens » afin de l’aider à protéger les frontières Sud du continent. Femme à poigne, le vice-premier ministre espagnol, Maria Teresa Fernandez de La Vega s’est plaint auprès du commissaire Franco Frattini de la « lenteur » et de « l’inefficacité » de l’aide européenne aux Canaries.

La Commission européenne a lancé, mi-août, sa première mission de surveillance des côtes africaines, avec des experts et du matériel venus des différents États membres. Dirigée par Frontex, l’agence européenne de contrôles des frontières, cette patrouille européenne a non seulement débuté avec trois mois de retard, mais elle s’est avérée, jusqu’ici, totalement inefficace, suscitant de vives critiques en Espagne, contre l’Europe et le gouvernement Zapatero. Le dispositif prévu par Frontex prévoyait deux navires italiens et portugais, deux avions de surveillance finlandais et italiens, en plus des deux bateaux et des deux hélicoptères espagnols. L’ensemble est vite apparu insuffisant. « Il nous faut plus de bateaux, plus d’avions, plus d’hélicoptères et beaucoup plus de personnel ! » a insisté Maria Teresa Fernandez de La Vega. La responsable espagnole réclame la tenue d’une réunion, mi-septembre, à Madrid, de six pays européens bordant la Méditerranée (France, Espagne, Italie, Grèce, Malte, Slovénie). L’enjeu sera la mise en place d’un système radar de surveillance des mers, un procédé complexe et très coûteux, en cours d’élaboration.

Pour l’Espagne, il y a urgence. Au cours du seul mois d’août, les îles Canaries ont accueilli près de 5 000 clandestins venus d’Afrique noire, soit autant d’immigrés illégaux qu’au cours de toute l’année 2006 en Espagne. « Ce n’est pas le problème d’un pays, mais celui de tout le continent ! » a plaidé la vice-premiére ministre espagnole, à Bruxelles. L’immigration clandestine a repris de plus belle, cette semaine, avec 498 Africains débarqués aux Canaries depuis lundi, portant à 18 954 le nombre d’illégaux arrivés en Espagne depuis le début de l’année. Près de 500 clandestins sont morts en mer. Le gouvernement régional des Canaries parle d’une « catastrophe humanitaire ».

Manque d’expérience

Dans ce contexte dramatique, la maigre patrouille dirigée par Frontex apparaît dérisoire. Censée dissuader les candidats au départ, elle reste invisible depuis les côtes africaines. Face à son invitée espagnole, le commissaire Franco Frattini a reconnu les faiblesses du dispositif européen. « Nous manquons d’expérience. Le travail en commun est difficile », a-t-il avoué, citant des exemples de blocages techniques sur la mission des Canaries. « Qui commande la mission ? Qui décide de la route de la patrouille ? Tout cela n’est pas facile à régler sur le terrain... », a expliqué le commissaire. L’Espagne fait le même diagnostic, clément pour l’UE. « La lenteur de l’Europe s’explique par le manque d’expérience commune en matière de contrôle d’une frontière maritime extérieure », a souligné Maria Teresa Fernandez de La Vega, pressée de trouver des solutions pratiques.

Sensible à l’appel espagnol, la Commission a promis de prolonger de six mois sa mission de patrouille des côtes africaines. Bruxelles devrait également nommer un nouveau responsable pour coordonner les opérations sur le terrain. L’Union européenne va surtout lancer un nouvel appel pressant aux États membres afin qu’ils fournissent plus de bateaux, d’avions et de personnels. « Jusqu’ici, seuls quatre États membres ont fourni à l’Espagne des experts et du matériel », a indiqué Franco Frattini. En mai, huit États membres, dont la France, avaient promis leur aide à l’Espagne, à travers Frontex. Seuls l’Italie, la Finlande et le Portugal ont répondu à l’appel.

La France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne se retrouvent dans le collimateur de Bruxelles pour leur manque de coopération. « Certains États membres ne doivent pas supporter un fardeau excessif du seul fait de leur situation géographique », estime le commissaire italien. Décidée à faire pression sur les États membres, la Commission a annoncé la création d’un groupe de travail permanent sur l’immigration, à Bruxelles. Formé de six commissaires, ce groupe sera chargé de faire des propositions aux gouvernements lors des différents conseils ministériels, dont le prochain se tient le 20 septembre, à Tampere, en Finlande.
Source : Le Figaro

Alexandrine Bouilhet