Les camps d’étrangers, nouvel outil de la politique migratoire de l’Europe

Ce texte est paru dans Mouvements n° 30, novembre-décembre 2003

Claire Rodier est permanente du Gisti

Septembre 2003

Eté 2003 : un cortège d’élus de l’île de Leros (Grèce), maire adjoint en tête, s’oppose au débarquement d’un groupe, encadré de policiers, de trente migrants illégaux qui ont récemment été sauvés en mer alors que l’embarcation sur laquelle ils voyageaient en provenance de Turquie avait fait naufrage. Les raisons de leur colère ? C’est la cinquième fois en dix-neuf mois que la police amène des illégaux pour les enfermer à Leros, et cette fois la coupe est pleine. Il est vrai que 130 personnes ont ainsi été placées - et le sont toujours - dans un bâtiment désaffecté du port. Les conditions de détention y sont déplorables. Mais le principal souci des manifestants est ailleurs : d’une part, comme le bâtiment est relativement central, les clandestins sont très visibles et nuisent à l’image de l’île, particulièrement « exposée » du fait de sa situation géographique (dans l’archipel du Dodécanèse, à proximité de la Turquie). D’autre part, les factures liées à leur entretien sont transmises au département, mais jusqu’ici rien n’a été payé. Pourtant, se plaignent les édiles, il y a des fonds européens pour ça…

Des centres de rétention comme celui de Leros, il en existe plus de vingt en Grèce, installés principalement dans les îles, dont la Crète. Il s’agit de centres fermés gérés par la police, improvisés dans des bâtiments de fortune, des stades, des entrepôts de matériel etc., pour abriter les étrangers qui tentent par voie maritime de rejoindre des côtes plus hospitalières que la terre qu’ils ont fuie. Les maintenus n’y ont aucun contact extérieur, sauf avec des représentants du Conseil grec pour les réfugiés et du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR). A peu près le même régime que celui imposé aux étrangers internés à Malte, futur membre de l’UE, dans des camps où plusieurs évasions, en juin et juillet 2003, ont défrayé la chronique et contraint les autorités à s’exprimer publiquement à propos d’une une situation qui perdure depuis plus de deux ans. On a ainsi appris que quelque 400 personnes, désignées indifféremment comme des « réfugiés » ou des « migrants clandestins », la plupart arrivées accidentellement par bateau sur Malte alors qu’elles étaient en route pour l’Europe, étaient hébergées, avec interdiction d’en sortir, dans des locaux inadaptés et placés sous contrôle policier. Dans l’ensemble, il s’agit de demandeurs d’asile - Malte a ratifié la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés. Une association, Jesuit Refugee Service, s’est inquiétée [1] des conditions d’internement qui leur sont réservées, qu’elle juge contraires à la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l’homme, autre traité international qui engage le pays. Mais, en réponse à ces craintes, le ministre de l’Intérieur maltais, Tonio Borg, s’est contenté d’expliquer que le choix d’enfermer les « migrants illégaux » s’imposait, car s’ils étaient laissés à la rue ils risqueraient de « créer plus de problèmes, non seulement pour Malte, mais aussi pour les pays voisins [2] ». Et, juste après avoir reçu la visite de son homologue italien (l’Italie venant de s’installer, début juillet 2003, à la présidence tournante de l’UE), il a annoncé que son gouvernement avait l’intention de continuer dans la même voie, en inaugurant bientôt un nouveau centre fermé. C’est donc avec la bénédiction et au nom de la protection de l’Union européenne qu’on maintient à ses abords des femmes, des hommes et des enfants sous un régime carcéral, sans qu’ils aient été condamnés ni même jugés, sans non plus que soient définies légalement les raisons de leur enfermement.

Aux (rares) voix qui protestent en France contre l’allongement - de douze à trente-six jours - de la durée de la rétention administrative des étrangers prévue par la réforme de la loi sur l’immigration dont l’adoption était prévue avant la fin 2003, le ministre de l’Intérieur a beau jeu de rétorquer que la France reste, dans ce domaine, très en-deçà des normes moyennes en vigueur chez ses voisins européens. Autour de nous - on le constate pour la Grèce, mais c’est vrai aussi en Belgique, au Royaume Uni, en Allemagne - c’est en effet en mois, voire en années plutôt qu’en jours qu’il faut calculer les délais pendant lesquels on prive de liberté, en attendant de les expulser, des étrangers au seul motif qu’ils ont franchi illégalement une frontière ou qu’ils sont sans papiers. Cet enfermement des étrangers « en attendant », pour des périodes parfois très longues, voire de façon illimitée, tend en effet à se généraliser dans l’Union européenne et à ses portes. Au point que cette mise à l’écart des parias que sont redevenus, au début de XXIème siècle, les migrants et les réfugiés, est en train de prendre une place décisive dans la politique d’immigration et d’asile de l’UE, aux côtés de deux instruments qui la complètent : la « responsabilisation » des pays d’origine ou de transit pour les inciter à coopérer dans la lutte contre l’immigration clandestine, et la rationalisation des modalités d’expulsion.

A tenter de prendre la mesure du phénomène [3], on s’aperçoit que, comme à Malte et dans les îles grecques, ce sont, un peu partout, des centaines de milliers de personnes qui paient de leur liberté d’aller et venir le prix de la construction d’une Europe sécuritaire. La palette des camps pour étrangers produits par les sociétés développées est large. Il peut s’agir de centres ouverts ou fermés, publics ou privés, légaux ou informels, conçus pour accueillir des demandeurs d’asile, des sans-papiers, des étrangers en passe d’expulsion ou de refoulement, ou en attente de la décision qui les autorisera ou non à franchir une frontière. Le régime en vigueur dans ces lieux, la durée moyenne de maintien, le statut des étrangers qui y sont placés, les dispositifs spécifiques éventuellement prévus (pour les mineurs, pour les familles) sont variables. Ils diffèrent selon qu’on parle des camps-frontières situés à proximité des aéroports et des ports comme les zones d’attente françaises ou certains CPT (Centri di permanenza temporanea e assistenza) italiens, des detention centers britanniques ou des CIE (Centros Internamento Extranjeros) espagnols, véritables prisons pour étrangers, des Ausreizencentrum allemands où les indésirables sont « incités » à partir volontairement, des centres fermés que la Belgique envisage de multiplier pour placer les déboutés de l’asile en attente d’éloignement, à l’image des centres et locaux de rétention français. Encore ne s’agit-il ici que des camps situés dans l’UE. Le spectre peut encore être enrichi si on prend en compte les zones-entonnoirs où sont retenus, sur la route de l’exil, ceux que l’Europe aspire ou qui aspirent à l’Europe : ainsi en Ukraine, en Hongrie, ou encore à Ceuta et Melilla, ces deux villes espagnoles enclavées en territoire marocain…

Sous la diversité des formats, des caractéristiques communes interrogent la légitimité de ces camps. La première tient à leurs occupants : exclusivement étrangers (hors UE), ils ne sont coupables d’aucun autre délit que d’avoir enfreint ou tenté d’enfreindre les règles que les Etats ont posé pour le franchissement de leurs frontières. Et si, souvent, la création d’un camp correspond à la volonté de cacher une réalité dont la visibilité devient gênante - on pense à celui de Sangatte, ouvert en 1999 pour abriter des réfugiés jugés envahissants par une partie de la population calaisienne -, la donne est parfois plus complexe. Au-delà du souci de rationalité qui conduit à grouper les étrangers dans un même lieu, le message lancé aux opinions ne doit pas être négligé. Opinions européennes d’une part, parce qu’en évoquant la prison, le camp d’étrangers illégaux alimente dans les esprits l’association étrangers/délinquants, qui à son tour sert à justifier les mesures prises par les autorités en matière de lutte contre l’immigration clandestine et plus généralement de durcissement des lois relatives aux étrangers. Opinions des pays d’origine des migrants d’autre part, par le « signal fort », supposé dissuasif, envoyé par ce biais aux candidats à l’émigration. Autre trait commun : il paraît impossible d’assurer, dans ces lieux de mise à l’écart, le respect des droits fondamentaux. C’est bien sûr le cas dans les camps fermés où la liberté de se mouvoir est entravée. Mais, plus généralement, toutes les situations identifiées révèlent des violations, plus ou moins systématiques, plus ou moins inévitables lorsqu’elles ne sont pas volontaires, du droit d’asile, du droit au respect de la vie privée et familiale, du droit de ne pas subir des traitements inhumains ou dégradants, ou encore du droit des enfants [4].

La disparition de l’individu au profit du groupe constitue une troisième caractéristique du camp. De même qu’on nie la particularité des parcours personnels en parlant des « flux migratoires », de même utilise-t-on, pour désigner la population du camp, des termes globalisants comme « clandestins », « migrants illégaux », ou encore « réfugiés », selon qu’on se situe dans le registre péjoratif ou compassionnel. Le camp ne connaît pas les personnes, au mieux il les catégorise pour les besoins de la cause administrative : célibataires, femmes, mineurs isolés, déboutés, etc.

Ainsi, parce qu’il n’y a pas vraiment faute et parce que les individus, dissous dans des groupes, sont privés du « droit d’avoir des droits » selon la formule célèbre, la mise à l’écart des étrangers relève moins d’une volonté de sanctionner une personne coupable d’un délit que d’un pacte tacite passé entre l’Etat et la société, à laquelle elle est présentée comme une garantie de sa sécurité. Là pourrait résider l’explication de cette réinvention des camps comme instruments d’une politique, ici pour le contrôle des déplacements des migrants, dans le prolongement des camps qu’en d’autres temps on a conçu pour écarter, à titre de mesure préventive, des personnes estimées dangereuses pour la sûreté de l’Etat. Aujourd’hui comme alors, cette politique fait appel à des postulats loin d’être vérifiés, mais destinés à convaincre, pour justifier les moyens mobilisés au service de sa mise en oeuvre.

Le premier de ces postulats s’appuie sur l’évolution de la notion de frontière, dont le modèle traditionnel a été bousculé, au cours du XXème siècle, par une série de facteurs tels que les nouvelles technologies de communication, l’émergence de nouveaux acteurs internationaux, la mondialisation des échanges économiques. Parce que ce contexte bouleversé a entraîné une plus grande perméabilité et une recomposition des frontières « classiques », la compensation de ce phénomène, par un renforcement et une sophistication des moyens d’empêcher les personnes de les franchir, est présentée comme une nécessité. Le contrôle des frontières, avec la lutte contre l’immigration clandestine, est donc depuis la fin des années quatre-vingt-dix le pivot de la politique commune mise en place par l’UE depuis le traité d’Amsterdam (1999) dans les domaines de l’asile et de l’immigration. Le processus s’est accéléré depuis le 11 septembre 2001, date charnière après laquelle le combat contre le terrorisme a été désigné comme objectif prioritaire de l’Union. Car si la question de l’immigration illégale était déjà couramment traitée, dans le discours officiels et dans les esprits, sur le même plan que la grande criminalité et le trafic de stupéfiants, elle est désormais étroitement associée à la menace terroriste. Dans certains pays comme l’Italie, les immigrés, notamment de confession musulmane, en ont directement subi les conséquences [5]. Pour autant, le lien entre les deux n’a jamais été démontré en pratique, et il est plus que probable que si une telle menace pèse sur l’Europe, ses auteurs n’empruntent pas les mêmes canaux que les migrants. Qu’importe ! Un climat de méfiance règne désormais, qui favorise le passage à l’étape suivante. Car à péril grave il convient d’opposer riposte à la hauteur : c’est ainsi par exemple qu’en Méditerranée ce sont des moyens militaires - patrouilles flottantes mixtes, forces navales et aériennes de l’OTAN [6] - qui sont déployés pour arraisonner les embarcations de clandestins supposés et terroristes potentiels qui tentent la traversée depuis les côtes africaines. Après la mort par noyade, en juin 2003, de plusieurs dizaines de personnes naufragées entre la Tunisie et l’île de Lampedusa, Umberto Bossi, numéro trois du gouvernement italien, n’a-t-il pas déclaré qu’il entendait « faire tonner le canon » pour empêcher les bateaux acheminant des clandestins d’approcher les rives italiennes [7] ? Dans ce climat de guerre soigneusement entretenu, l’internement des « ennemis » que s’invente l’Europe en la personne des migrants apparaît comme une réponse logique. A cet égard, le silence gardé par la communauté internationale face au traitement des prisonniers de Guantanamo n’est sans doute pas indifférent à la banalisation des camps d’étrangers sur le territoire de l’UE.

Le traitement de la question de l’asile fournit deux autres postulats complémentaires, qui sont assénés comme des évidences à toute occasion : la pression de la demande d’asile en Europe serait devenue insupportable, et l’essentiel de cette demande émanerait de « faux » réfugiés qui cherchent à détourner règles en matière d’immigration. Tenu d’abord par quelques uns puis par tous les Etats membres [8] de l’UE, ce discours en deux temps, désormais repris à son compte par le HCR lui-même [9], a accompagné le processus d’élaboration de la politique commune en matière d’accueil des réfugiés initié au sommet européen de Tampere de 1999. Il en résulte une série de normes - déjà adoptées ou en passe de l’être - dont la vocation semble être de filtrer, par tous moyens, les demandes d’asile pour en écarter le plus grand nombre. La réalité ne vient pourtant pas valider l’analyse de départ : d’une part, l’Europe n’accueille qu’une part infime - autour de 5% - du nombre de réfugiés en quête de protection sur la planète. D’autre part, nombre d’entre eux venant de pays en guerre ou très déstabilisés, rien ne permet de décider a priori qu’ils sont fraudeurs. Mais, là encore, le discours prend le pas sur les faits, et sert à faire accepter par les opinions occidentales le traitement aujourd’hui réservé aux demandeurs d’asile. Dans bien des cas, ceux-ci sont en effet contraints, dans les pays où ils sont parvenus à déposer leur requête, de survivre sans toit fixe, sans droit de travailler, avec une assistance matérielle réduite au minimum en attendant qu’on statue sur leur sort. Mais il ne se trouve plus guère de voix pour s’émouvoir de ce régime. On ne s’étonnera pas, dans ces conditions, qu’ait pu naître et prospérer ça et là l’idée d’assigner à résidence dans un centre ad hoc  [10] ceux qu’on a transformés en indésirables afin, d’une part, de faciliter la gestion de leurs déplacements - et le moment venu de leur éloignement - mais aussi de soustraire leur présence gênante à la vue du public. Le camp, rappelons-le, a aussi cette fonction.

De victime, qu’il était encore jusqu’au début des années quatre-vingt, le candidat réfugié est ainsi progressivement devenu l’agresseur que les Etats ont pour mission d’éliminer. Telle est la tonalité qui se dégage des déclarations officielles et des programmes mis en oeuvre pour la réalisation de la politique européenne d’asile. Un plan d’inspiration britannique visant à l’« externalisation » des procédures d’asile symbolise cette nouvelle approche. Présenté au sommet de Thessalonique qui a réuni les chefs d’Etat et de gouvernement des Quinze au mois de juin 2003, il prévoit d’installer, hors des frontières européennes (on avait alors parlé de l’Albanie, de la Croatie, du Maroc, ou encore du Nigeria…), des camps off-shore pour y enfermer les demandeurs d’asile en attendant le traitement de leur requête [11]. Seuls ceux d’entre eux qui se verraient reconnaître le statut de réfugié pourraient revenir dans le territoire de l’Union européenne, les autres étant renvoyés dans leur pays d’origine. L’intérêt, pour l’UE, est évident : en « délocalisant » l’asile, elle peut, sans renoncer formellement à ses engagements internationaux en matière de protection des réfugiés, se débarrasser de toutes leurs implications contraignantes, notamment la prise en charge des demandeurs. Si le projet n’est pas assez abouti pour être opérationnel au niveau de l’UE - soulevant des problèmes d’ordre technique, financier et diplomatique non négligeables, il a été écarté à Thessalonique -, il n’a pourtant pas été totalement désavoué, puisque des programmes pilotes pour la mise en place de ces TPC (pour Transit Processing Centers) pourraient être lancés à titre expérimental par quelques Etats membres, avec la collaboration du HCR. Celui-ci, dont on aurait pu attendre les plus vives critiques contre un projet qui, en contradiction avec sa doctrine, érige la détention des demandeurs d’asile en règle, s’est en effet montré plutôt favorable à l’initiative britannique.

Au moment où, en s’élargissant à vingt-cinq, l’Europe fait entrer presque cent millions d’élus dans le club de ceux qu’elle reconnaît comme les siens, les cartographes chargés d’illustrer les études sur la place de l’immigration dans le continent devront bientôt, à côté des traditionnelles flèches représentant les flux migratoires, faire figurer des taches de plus en plus nombreuses, correspondant aux camps en tout genre dans lesquels elle enferme ceux qu’elle ne veut pas voir. Le droit de circuler librement dans un « espace de sécurité, de liberté et de justice », solennellement réaffirmé pour les citoyens européens par la future constitution de l’Union, a toujours eu pour corollaire les restrictions mises à l’exercice de cette liberté par les étrangers. Ainsi, c’est pour compenser le « déficit de sécurité » induit par la suppression des contrôles aux frontières intérieures de l’Union européenne que la convention de Schengen est venue, dans les années quatre-vingt dix, encadrer la mobilité des ressortissants des pays tiers et renforcer la protection des frontières extérieures. La systématisation de la mise en détention des migrants et des demandeurs d’asile vers laquelle semblent tendre les politiques menées depuis quelques années s’inscrit dans cette logique, comme si la sécurité des européens se nourrissait de la mise à l’écart de ceux qui en réclament une petite part. Certains nouveaux arrivants sont à la rigueur tolérés comme main-d’oeuvre lorsque le besoin s’en fait ressentir - mais seulement à cette condition et dans les limites fixées de fait par les employeurs, comme le suggère la proposition, discutée au mois de septembre 2003 par les Quinze, de faire appel à l’immigration de travail sur la base de quotas [12]. Mais des autres, désignés à l’opinion comme des délinquants, des trafiquants, des terroristes ou des fraudeurs, il faut se protéger : les camps répondent à cette préoccupation. Ceux qui sont situés à l’intérieur de l’espace européen canalisent, voire neutralisent la mobilité des ces nuisibles avant qu’on ne les expulse : ils facilitent en particulier les « retours groupés » - les renvois par charter chers à Nicolas Sarkozy - dont la présidence italienne de l’Union a proposé une rationalisation de l’organisation à l’échelle européenne [13]. Au-delà des limites extérieures de l’UE, installés dans des zones tampons - on pense à l’est de l’Europe ou au sud du Maghreb - où certains pays ont accepté de jouer le rôle de garde-frontières en échange d’une aide à la coopération et au développement, les camps font obstacle aux trajectoires migratoires et les rendent plus longues et plus sinueuses. Sans toutefois les bloquer totalement. Car de même qu’on ne contrôle pas les mouvements tectoniques, de même on ne peut endiguer complètement les déplacements humains qui répercutent sur les rivages occidentaux les séismes enregistrés à l’autre bout du monde. Mais au même titre que les visas, instrument de domination des pays riches sur le reste de la planète [14], les camps d’étrangers pourraient bien avoir aussi pour fonction symbolique de rappeler à ceux du sud qu’ils ne sont admis au nord qu’à la place qu’on leur assigne.