La réinstallation des réfugiés, instrument européen de l’externalisation des procédures d’asile

Note de travail

La réinstallation est un concept né aprè s la seconde guerre mondiale, quand des milliers de personnes déplacées à cause des conflits en Europe ont trouvé refuge dans des pays d’accueil partout dans le monde, notamment sous l’égide du CIME (comité intergouvernemental pour les migrations européennes, ancê tre de l’OIM). Jusque dans les années 50 ont ne faisait guè re de distinction entre « personnes déplacées » et « réfugiés È.

S’agissant des réfugiés, le HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés), qui a pour mandat de leur apporter une protection internationale, dispose depuis sa création en 1950 de trois grandes catégories de solutions à cette fin :

1) le rapatriement volontaire (lorsque les circonstances dans le pays d’origine des réfugiés le permettent).

2) l’intégration locale dans le pays d’asile.

3) la réinstallation depuis le pays d’asile vers un pays tiers.

La troisi ème solution, la réinstallation, a été utilisée pour la première fois en 1956 (dans l’histoire du HCR) à l’occasion de l’exode de 200 000 Hongrois qui trouvè rent refuge dans des pays européens. Dans les années 70, c’est également la solution qui sera privilégiée pour environ deux millions d’Indochinois (Vietnam, Laos, Cambodge) réfugiés en Thaïlande, dont la majorité sera réinstallée aux États Unis.

Le HCR recourt réguli èrement à la réinstallation, sur la base du volontariat des pays d’accueil. Les principaux pays qui participent aux programmes de réinstallation sont l’Australie, le Canada, le Danemark, les États Unis, la Nouvelle Zélande, la Su de. Hormis Su de et Danemark, les pays de l’Union européenne ne pratiquent pas ou presque pas la réinstallation. Pour le HCR cet outil de protection doit ê tre encouragé car il s’agit d’une part d’un engagement concret pour la protection des réfugiés, d’autre part de la manifestation d’un partage des responsabilités au niveau international.

L’Union européenne et la réinstallation

Premi ère étape : dans la foulée de la proposition anglaise de camps externalisés pour demandeurs d’asile, 2003

Dans une communication de juin 2003, « Vers des régimes d’asile plus accessibles, équitables et organisés »la Commission européenne explique que le systè me d’asile européen a des failles et qu’il est nécessaire de s’orienter vers une nouvelle approche qui prenne en compte les flux mixtes (= demandeurs d’asile + migrants) et de la « dimension extérieure de ces flux ». Cette « nouvelle approche renforcera la crédibilité, l’intégrité et l’efficacité des normes applicables aux arrivées spontanées en proposant un certain nombre de solutions bien définies, autres que la protection dans l’UEÈ. Cette communication est une réponse de la Commission à une demande du Conseil (les chefs d’état et de gouvernement) d’« examiner les moyens de renforcer la capacité d’accueil des pays tiers, notamment grâce à la coopération au développement »à la suite de la proposition britannique de mars 2003 d’installer des camps de demandeurs d’asile hors UE pour y traiter leurs demandes. Il s’agit pour elle de trouver une voie médiane afin de satisfaire ceux qui, avec le Royaume-Uni, sont partisans de solutions radicales pour faire baisser le nombre de demandes d’asile en Europe et ceux qui restent attachés aux principes d’accueil des personnes identifiées comme ayant besoin de protection.

La Commission européenne s’appuie sur les propositions contenues dans un programme mondial lancé quelque temps auparavant par le HCR pour l’aménagement du régime international de la protection des réfugiés, intitulé « Convention Plus » [1] (en référence à la convention de Gen ève de 1951 sur les réfugiés). Partant du constat que « le système de protection internationale et d’asile peut être gravement menacé s’il est utilisé à d’autres fins ou fait l’objet d’abus répétés, notamment par les réseaux de passeurs », l’objectif de Convention Plus est « d’améliorer la mise en oeuvre de la convention de Genève, de promouvoir la solidarité et de développer la gestion des flux migratoires liés à l’asile par le biais d’instruments ou de politiques complémentaires ».

Sur cette base, la Commission européenne préconise de faciliter 1) l’arrivée organisée dans l’UE, à partir de leur région d’origine, des personnes ayant besoin d’une protection internationale ; 2) la répartition des charges et des responsabilités au sein de l’UE ainsi qu’avec les régions d’origine pour qu’elles accordent, d ès que possible, une protection effective qui corresponde, autant que faire se peut, aux besoins des personnes ayant besoin d’une protection internationale.

En ce qui concerne le volet « arrivée organisée », la Commission cherche le compromis entre l’encadrement communautaire (il s’agirait d’un programme européen de réinstallation « où presque toutes les étapes chronologiques du processus de réinstallation seraient fixées au niveau de l’UE ») et la difficulté qu’il y aurait à imposer aux États un syst ème contraignant. Consciente que « la volonté politique nécessaire pour passer sans délai à ce type de modèles pourrait être difficile à trouver dans l’immédiat dans tous les états membres de l’UE (et à plus forte raison dans une Union élargie) » elle imagine un syst ème hybride o ù « l’UE fixerait les objectifs à atteindre, les critères de sélection - notamment la définition des critères à prendre en compte en vue d’une réinstallation - et le nombre minimum, par an, de personnes auxquelles une réinstallation serait proposée », mais où « il faudrait néanmoins laisser aux états membres la responsabilité de fixer leurs propres quotas, en respectant ce nombre minimum. En outre, les états membres établiraient leurs propres procédures de sélection et seraient libres de définir la politique et les orientations qu’ils comptent suivre pour régler les problèmes liés à l’arrivée de réfugiés, y compris les procédures d’immigration. En dernier lieu, dans un tel modèle, les états membres détermineraient également leurs politiques respectives en matière d’accueil des réfugiés candidats à la réinstallation ainsi que l’approche à retenir quant au processus de réinstallation d’un réfugié, depuis son arrivée jusqu’à son intégration à terme ».

Réunis à Rome en octobre 2003, les représentants des États membres de l’UE ont accueilli favorablement la proposition de la Commission et l’ont invitée présenter un programme plus précis de réinstallation au niveau de l’UE, qui devrait permettre de trouver des solutions globales aux situations de réfugiés et de lutter contre l’immigration illégale et la traite des ê tres humains. « L’arrivée organisée des demandeurs d’asile constituerait également un outil de lutte contre les sentiments de racisme et de xénophobie, car l’opinion publique y serait probablement favorable ».

Deuxi ème étape : l’articulation de la réinstallation avec l’objectif « l’asile ailleurs »

Dans une communication du 4 juin 2004, « Améliorer l’accès à des solutions durables », la Commission européenne estime que la réinstallation des réfugiés doit jouer un rôle important dans la politique d’asile de l’UE, « dans un contexte où la majorité des demandes d’asile dans l’UE ne remplissent pas les critères d’obtention d’une protection internationale » (autre faç on de désigner les « flux mixtes »). Elle ne donne pas beaucoup plus de détails que dans sa communication de 2003, sinon que « le programme se caractériserait par sa flexibilité et serait adapté à des situations de crise spécifiques », qu’il « viserait un nombre constant, quoique limité, de réfugiés, et serait modulable en fonction de la capacité des états membres à accueillir les demandeurs d’asile  ». « Des objectifs chiffrés seraient établis à l’échelle européenne »et la réinstallation s’organiserait sous l’égide du HCR avec l’apport logistique (transport) de l’OIM.

Surtout, cette communication explique que la réinstallation s’articule avec des programmes de protection des réfugiés dans les régions d’origine, nécessaires pour « renforcer les capacités de protection des pays tiers et de mieux gérer l’entrée (organisée) des réfugiés sur le sol européen », et propose qu’un instrument financier (AENEAS) soit prévu pour permettre aux États membres, aux pays tiers, aux organisations internationales et aux ONG de travailler efficacement en ce sens.

L’idée qui se dessine clairement est donc faire traiter l’essentiel de la demande d’asile dans les pays tiers proches des pays de départ des réfugiés (la « protection régionale ») et de procéder à l’arrivée organisée sur quotas (les « objectifs chiffrés ») dans le cadre d’un programme européen, mais néanmoins sur la base du volontariat où chaque État membre garderait la liberté de définir sa politique et ses orientations.

Le « programme de La Haye » adopté par le Conseil de l’Union européenne le 4 novembre 2004, conclut la premi ère phase de communautarisation de la politique d’asile et d’immigration (commencée avec le sommet de Tampere de 1999) et présente les grandes lignes de la politique qui sera menées au cours des cinq années à venir. Au menu, « la dimension extérieure de l’asile et de l’immigration » qui comprend notamment le partenariat avec les pays tiers de transit et les pays d’origine d’où partent immigrés et demandeurs d’asile. En matiè re d’asile, le Conseil européen « invite la Commission à élaborer des programmes de protection régionaux de l’UE en partenariat avec les pays tiers concernés et en étroite consultation et coopération avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ».

Troisiè me étape : la concrétisation

Le Conseil des ministres de l’immigration des Vingt-Cinq met l’externalisation de l’asile au programme de sa réunion de janvier 2005, et en explore les trois volets 1) le renforcement de la protection dans les régions d’origine 2) le renforcement de la protection dans les régions de transit 3) la réinstallation des réfugiés. A cette réunion le Haut Commissaire pour les réfugiés est invité et fait remarquer que les États européens sont sur ce dernier point tr s en retard par rapport à d’autres pays :

« (...) Sur la question de la réinstallation - solution qui vise à réinstaller, dans un pays tiers, des réfugiés ne pouvant rester dans leur premier pays d’asile - Ruud Lubbers fait remarquer que « les pays d’immigration » (l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis) ont offert jusqu’à 100 000 places pour des réinstallations de réfugiés chaque année, lorsque l’Europe elle-même a rendue disponibles seulement 4 700 places.

En référence à de précédentes discussions sur le bénéfice à tirer d’un investissement accru pour améliorer la protection dans les régions d’origine, Ruud Lubbers a indiqué que « peu à peu, nous avons besoin de nous acheminer vers une réinstallation accrue et moins de mouvements irréguliers... au fur et à mesure, rendre possible une telle solution pour les réfugiés, lors de leur arrivée en Europe, pourra aider à réduire les situations de crise, lors d’arrivées spontanées. Bien sûr, ce système sera encore plus vraisemblable, quand des solutions économiques seront aussi disponibles pour les migrants ». (communiqué UNHCR 29 janvier 2005).

Le Conseil demande à la Commission de lui présenter, d’ici juillet 2005, « une proposition de programme de réinstallation aux fins d’une inclusion éventuelle dans les programmes de protection régionaux, (...) adaptée aux situations spécifiques dans les pays des régions d’origine et doit être assez flexible et conçue de manière que les états membres puissent décider d’y participer ou non. (...) Le HCR [doit jouer] un rôle déterminant dans la préparation et l’orientation des dossiers vers un pays de réinstallation en vue d’une sélection d’un certain nombre de réfugiés ». Il précise qu’« il va de soi qu’un programme de réinstallation ne peut porter atteinte à un traitement approprié des demandes d’asile individuelles, qui se présentent dans le cadre d’arrivées spontanées dans l’UE de réfugiés provenant de ces régions d’origine ».

Cette précision serait plus crédible si :

1) une grande partie de l’activité normative et opérationnelle de l’UE en mati ère d’asile n’avait pas consisté, au cours des cinq derni ères années, à restreindre l’accè s aux procédures d’asile et à dissuader la demande(voir par exemple l’analyse de la CFDA Lourdes menaces sur le droit d’asile en Europe) ;

2) le discours officiel des instances de l’UE ne cherchait pas à convaincre que l’Europe est submergée par la demande d’asile et ne peut plus faire face, alors que les statistiques du HCR démentent cette affirmation : le total de la demande d’asile dans les Vingt-Cinq États membres a ainsi chuté de 30% entre 2003 et 2005).

3) les exemples contemporains de réinstallation n’incitaient pas à la plus grande prudence dans l’analyse. Car, à l’exception notable du Canada, dans la plupart des pays qui pratiquent la réinstallation cette procédure d’admission est loin d’ê tre simplement complémentaire de « l’asile sur place »et a tendance à devenir exclusive.

L’étape en cours : Les « programmes de protection régionale »
(cf communication de la Commission européenne du 1er septembre 2005)

La Communication du 1erseptembre 2005 constitue la réponse de la Commission européenne aux conclusions du Conseil des 2 et 3 novembre 2004 qui l’invitaient à présenter un plan d’action concernant un ou plusieurs programmes de protection régionaux (PPR). A propos de la réinstallation (un des sept axes des PPR), la Commission réaffirme que les États de l’UE devraient s’engager sur une base volontaire à proposer des places de réinstallation sur leur territoire. Une éventuelle structuration communautaire des programmes nationaux est envisagée. Des fonds vont être rendus disponibles au sein du fonds européens pour les réfugiés (FER) [2] afin que la réinstallation « puisse bénéficier d’un financement communautaire substantiel ». Un projet pilote en Tanzanie pourrait voir le jour : ce pays accueille la population de réfugiés la plus nombreuse d’Afrique, mais peu d’entre eux ont jusqu’alors été réinstallés (1 200 en 2004). Le HCR souhaiterait voir ce nombre augmenter et est appuyé par de nombreuses ONG déjà présentes en Tanzanie.

Pour la Commission, la réinstallation doit ê tre articulée aux autres objectifs de l’UE en mati re de protection régionale (« Le recensement par le HCR des dossiers de réinstallation éventuels sera un élément important pour déterminer quelles régions (...) pourraient bénéficier d’un programme de protection régionale »). Elle est censée « faire du problème des réfugiés et de la protection une priorité politique » mais de fait l’essentiel de la communication est consacré à la présentation de la « nécessité d’intensifier la coopération et le renforcement des capacités aux frontières méridionales et orientales de l’UE, afin de permettre audits pays de mieux gérer les migrations et d’offrir une protection adéquate aux réfugiés ». La réinstallation prend ainsi clairement place dans un processus d’externalisation du contrôle des fronti ères afin de diminuer les arrivées de migrants en Europe. Dans cette optique la Commission cible particuliè rement les pays dits nouveaux États indépendants occidentaux (Ukraine, Moldavie, Biélorussie) et envisage tr s sérieusement que la Biélorussie, exclue pour cause de déficit démocratique de tous les autres programmes communautaires, « consolide ses capacités de protection existantes ».

Un renfort dangereux : les ONG et la réinstallation

S’étant prononcé d s le sommet de Tampere (1999) en faveur d’un investissement de l’UE dans les programmes de réinstallation, ECRE (European council on refugees and exiles), principal réseau européen d’ONG investies sur la question des droits des réfugiés, s’est, au cours des derni ères années, employé à mieux faire connaître les programmes existants de réinstallation [3]. Cette recension visait notamment à définir les bonnes pratiques en matiè re de réinstallation. Ces derniers mois, ECRE a à plusieurs reprises réaffirmé que l’UE devait augmenter de fa on substantielle son activité de réinstallation et qu’il serait plus opportun de le faire au niveau communautaire qu’au plan national [4]. Ce lobbying en faveur de la définition d’un programme européen de réinstallation s’est accompagné de nombreuses mises en garde contre le dévoiement des objectifs d’une réinstallation devant rester au service de la protection des réfugiés :

 le programme de réinstallation doit ê tre une preuve donnée aux pays pauvres de l’engagement de l’UE à prendre une part plus importante de la charge de l’asile.

 la réinstallation ne doit pas se substituer aux modalités nationales de détermination de l’asile sur place.

 la sélection des réinstallés doit s’appuyer sur des crit ères permettant de favoriser les plus vulnérables (femmes, enfants, handicapés...) des réfugiés.

 l’implication du HCR et des ONG doit être institutionnalisée.

Aprè s les drames de Ceuta et Melilla et avant le conseil européen des 12 et 13 octobre 2005, ECRE a réaffirmé que la réinstallation était une des solutions à envisager pour que de telles situations ne se produisent plus à l’avenir.

Le CCME (Commission des Eglises aupr ès des migrants en Europe) a lancé, au mois d’octobre 2005, une campagne consacrée à la promotion d’une politique européenne de réinstallation [5]. Elle s’appuie sur les argumentaires développés par ECRE, le HCR et la Commission européenne (en référence directe à la communication du 1er septembre précitée sur les programmes de protection régionaux). On note qu’aprè s avoir expliqué « ce que la réinstallation ne doit pas être » (un processus qui va se substituer à la demande d’asile spontanée, une protection temporaire, un syst ème de catégorisation et de hiérarchisation des réfugiés en fonction de leur nationalité ou de leur religion) elle cite l’Australie parmi les exemples des pays qui pratiquent la réinstallation, sans mentionner que ce pays s’est totalement désengagé de ses obligations au regard de la convention de Gen ève.

L’ONG britannique OXFAM a formulé en mati ère de réinstallation des recommandations proches de celles d’ECRE [6] : « Les régimes de réinstallation ou autres dispositions d’“entrée ordonnée” doivent complémenter un régime juste et équitable pour le traitement des arrivées spontanées des demandeurs d’asile sur le territoire de l’UE et non pas s’y substituer. La réinstallation doit être envisagée comme un instrument de protection internationale, offrant des solutions durables aux réfugiés sélectionnés et non pas comme un outil de gestion de la migration. Toute distinction entre les “bons” réfugiés réinstallés et les “mauvaises” arrivées spontanées doit être évitée en rhétorique et en pratique.
Dans ce contexte, les états membres doivent être encouragés à élargir leur travail de réinstallation ; d’abord en s’alignant sur un cadre directeur européen et ensuite dans le cadre d’un régime de réinstallation à l’échelle communautaire plus cohérent
 ».

Dans son rapport OXFAM accorde une attention privilégiée aux crit ères devant présider à la sélection des bénéficiaires de la réinstallation et à la nécessité de protéger les populations les plus vulnérables. Sont ainsi dénoncées les dérives de négociations qui conduisent à privilégier les intérê ts des pays du nord plutôt que ceux des réfugiés. « Les programmes en vigueur aux États-Unis, au Canada et en Australie ne sont pas toujours axés sur la vulnérabilité, mais sur la sélection des réfugiés présentant les meilleures perspectives d’intégration dans leur nouveau pays ».

Ces ONG appellent ainsi toutes de leurs voeux, sans prê ter garde aux réalités des politique communautaires, un modè le européen idéal de réinstallation qui, par son souci de protection des réfugiés se démarquerait des grands programmes existant dont il ne conviendrait de sélectionner que les « bonnes pratiques ».

Pour sa part Amnesty International (AI), qui n’est pas opposée par principe à un programme européen de réinstallation, se montre plus réservée devant les propositions contenues dans la communication de la Commission sur les PPR. Replaç ant les PPR « dans un contexte politique plus large », AI doute de la sincérité et de la réalisation des objectifs affichés et craint qu’ils « ne dissimulent la volonté d’empêcher les demandeurs d’asile et migrants d’accéder au territoire européen » dans un contexte où la Commission « reste silencieuse sur les pratiques restrictives des états membres qui minent et parfois enfreignent leurs obligations internationales » [7].

Des dangers de la communautarisation d’une procédure de réinstallation

La réinstallation reste un instrument permettant d’offrir une solution durable aux réfugiés cantonnés dans un pays de premier exil où ils ne bénéficient pas toujours d’une protection effective. Les différents pays européens pourraient mieux et plus utiliser cet instrument au service des réfugiés.

Il n’en reste pas moins que la mise à l’agenda communautaire de cette question doit être analysée au sein d’un contexte global d’externalisation par l’Union européenne d’une part grandissante de sa politique d’asile et d’immigration, et à ce titre rejetée. Car l’UE, avant tout soucieuse de protéger ses fronti ères extérieures, a pris le parti de fermer les yeux sur les violations de droits fondamentaux commises par les États membres ou pays tiers partenaires s’ils savent faire preuve d’efficacité.

Ainsi, aprè s la mort de plusieurs migrants subsahariens sous les balles des gardes-fronti ères marocains à la fin du mois de septembre 2005, aprè s les protestations publiques du HCR emp êché d’entrer en contact avec les demandeurs d’asile au Maroc, la Commission persiste, dans une communication sur la dimension externe de la politique d’asile et d’immigration, à citer en exemple de partenariat réussi la coopération avec ce pays en matiè re de contrôle des flux migratoire. Elle y affirme par ailleurs « qu’il y a lieu de poursuivre les efforts en vue de développer le dialogue avec la Libye sur les migrations » [8], alors que la Libye est réguliè rement dénoncée par les ONG et le Parlement européen en raison des violations répétées des droits de l’homme dont migrants et réfugiés sont les victimes. La Commission européenne apporte ainsi une nouvelle fois la preuve qu’un programme communautaire de réinstallation, quelles que soient les garanties théoriques fournies, n’échapperait pas à la cécité volontaire d’une Europe qui a pris le parti de considérer les droits fondamentaux comme accessoires.

Dans ces conditions, militer pour un programme communautaire de réinstallation revient à accepter la politique européenne de mise à distance des réfugiés.


Les risques de la réinstalllation

L’Australie ne respecte mê me plus la convention de Gen ève dans le sens où pour les demandes déposées sur place elle n’accorde qu’une protection subsidiaire. Sans parler de l’enfermement systématique des demandeurs d’asile dans des camps installés dans des îles ou aux confins du désert [9].

Historiquement les États-Unis accordent peu le statut de réfugiés aux exilés déjà présents sur son sol. Ils ont ainsi reç u en 2004 seulement 27 900 demandes d’asile (à peine plus que l’Autriche). Deux fois moins de réfugiés ont été admis dans le cadre d’un procédure de détermination individuelle sur place (25 254) que dans le cadre d’une procédure de réinstallation (52 900).

Le Danemark, souvent cité en exemple de pays européen pratiquant la réinstallation possè de aussi l’une des législations les plus restrictives de l’UE en matiè re d’asile : à tel point que pour la préserver, il est resté à l’écart du processus européen d’harmonisation. En 2004, seules 507 « demandeurs spontanés » se sont vu accorder l’asile. En outre la modestie des effectifs des bénéficiaires de la réinstallation (500 personnes par an en moyenne) invite à relativiser la portée du modè le.