Italie - les nouvelles formes de privation de liberté des immigrés clandestins

Intervention de Fulvio Vassallo Paleologo, ASGI (Associazione studi giuridici sull’immigrazione - Association pour les études juridiques sur l’immigration) à la conférence migreurop de Bruxelles les 25 et 26 juin 2003

1) Avec l’entrée en vigueur de la loi Bossi-Fini (loi 189 de 2002) se multiplient en Italie également les procédures d’éloignement forcé de plus en plus expéditives - on pourrait même dire "sommaires" -, comme le refoulement des zones de transit aéroportuaire ou maritime, ou l’expulsion avec raccompagnement immédiat des immigrés sans permis de séjour. Après le rapatriement, qui peut se faire également vers un pays de transit tiers si les accords de réadmission le prévoient, l’immigré disparaît dans un "trou noir" d’où il ne ressort plus, même dans le cas d’une nouvelle entrée clandestine : on ne saura plus rien de lui, du moins tant que la police ne l’aura pas retrouvé sur le territoire italien et identifié d’après les empreintes digitales. De fait, la police italienne qui exécute la mesure de raccompagnement forcé remet la personne expulsée à la police d’un autre pays, qui peut à son tour l’expulser vers un autre pays qui ne respecte pas les conventions internationales en matière de droits de l’homme, ou encore l’interner dans un centre de détention. Pour l’instant, l’Italie n’a pas encore signé (comme l’Allemagne) d’accords prévoyant l’internement dans les pays de réadmission, même si les tentatives en ce sens n’ont pas manqué par le passé, surtout de la part de l’ex-ministre Bianco avec l’Albanie.

Dans tous les cas de rapatriement avec raccompagnement immédiat, caractérisés par l’extrême brièveté des procédures, la reconnaissance rapide par l’autorité consulaire du pays d’origine de l’immigré devient décisive. En raison des nouveaux accords de réadmission, les documents de voyage essentiels pour les rapatriements sont délivrés dans des délais de plus en plus courts par les représentants consulaires auxquels les autorités italiennes permettent de visiter les centres de transit ou les autres lieux où les immigrés en attente d’une expulsion sont maintenus en état "d’arrêt de police".

Mais l’institut de la détention (carcérale et administrative) reste un pivot, peut-être peu efficace, mais de grande valeur symbolique, des politiques d’immigration qui s’identifient désormais par la limitation de la liberté personnelle et de la circulation des immigrés.

Par effet de la nouvelle loi Bossi-Fini, l’exécution de l’expulsion comporte l’arrêt et l’internement de l’étranger qui - après avoir été informé de la décision - "reste sans motif justifié sur le territoire national en violation de l’ordre intimé par le préfet de police". À cet égard, de nombreux juges ont posé des questions de légitimité constitutionnelle, tandis que les limites de cette nouvelle hypothèse de détention dans un système carcéral désormais voué à l’écroulement éclatent au grand jour. De plus, le nombre d’immigrés qui, après avoir été enfermés, éventuellement absous ou remis en liberté pendant la procédure, sont internés dans un centre de détention administrative dans l’attente de leur expulsion, a augmenté.

2) La nouvelle loi sur l’immigration, par ailleurs dans la lignée de la législation précédente, a encore exacerbé le statut de la frontière, limite de plus en plus incertaine, remise dans sa définition effective à la discrétion de l’autorité de police et aux accords de réadmission avec les pays tiers.

Particulièrement grave dans les cas de raccompagnement immédiat à la frontière ou de refoulement est la négation substantielle des droits fondamentaux (droit à la vie, droit à l’intégrité physique, droit à la défense, droit à l’unité de la famille) et, parmi ceux-ci, du droit d’asile.

Dans la loi 189 du 30 juillet 2002 sur l’immigration, appelée désormais "loi Bossi-Fini", qui n’a pas encore vu l’arrêté d’application qui aurait du être signé en mars de cette année (mais il semble que l’on manque des fonds pour mettre en oeuvre la nouvelle législation), on ne trouve même pas une réglementation précise de ces formes accélérées d’éloignement forcé et les immigrés restent privés d’interprètes, d’informations, d’assistance sanitaire, de défense juridique et sont totalement soumis à la discrétion de l’autorité de police.

Le "refoulement à la frontière" peut être décidé soit quand un étranger se présente au guichet de la douane "sans remplir les conditions requises pour l’entrée sur le territoire national", soit - quand il a pénétré sur le territoire en se soustrayant aux contrôles - "immédiatement après", soit encore quand une admission temporaire s’est avérée nécessaire "pour des raisons de secours public".

Pour les dispositions relatives au refoulement, le texte unique 286 de 1998 ne prévoit pas de formalités précises ni de moyens de recours spécifiques (art. 10), se bornant à stipuler que les refoulements "sont enregistrés par l’autorité de sécurité publique".

Si le refoulement se fait à une frontière terrestre, on empêche l’étranger de la franchir lors de la tentative d’entrée irrégulière. À d’autres moments par contre, la disposition légale fait référence aux personnes qui ont quand même pénétré sur le territoire national immédiatement (ou quelques jours) après leur entrée.

Le refoulement de l’étranger ne possédant pas de document d’entrée valide peut donc être décidé par l’autorité de police des frontières ou, après l’entrée sur le territoire, par le préfet de police. Dans ce cas, si l’étranger est parvenu à entrer sur le territoire italien, il est repoussé dans le pays de provenance comme s’il avait été bloqué à la frontière. En 2002, on a enregistré 37 656 refoulements à la frontière et 6 139 refoulements ordonnés par le préfet de police. Le refoulement ne devrait pas comporter les interdictions de réentrée prévues en cas d’expulsion, même si l’étranger peut être signalé au Système d’information centralisé (SIS) à des fins de non-admission.

En 2002, l’Italie a affrété 5 charters vers le Sri Lanka pour rapatrier des personnes, dont la plupart, enfermées dans les centres situés dans les Pouilles, avaient manifesté leur intention de demander asile sans parvenir à officialiser leur demande en l’absence d’interprètes ou à cause du jugement sommaire rendu par les autorités de police sur le caractère instrumental de la requête. D’autres vols charters ont été organisés au cours des premiers mois de 2003, et de nombreuses personnes qui avaient demandé asile, ont été embarquées dans un avion, après un examen arbitraire par une délégation de la commission centrale compétente en la matière (qui s’était déplacée pour l’occasion de Rome vers les Pouilles) et une reconnaissance tout aussi sommaire du consul de ce pays, appelé par la police immédiatement après le refus de la commission, et escortées par la police italienne qui, une fois à destination, les a remis à la police cingalaise, comme si la simple introduction de la demande d’asile n’exposait pas les immigrés à des rétorsions certaines de la part de la police de leur pays au moment de leur rapatriement forcé.

On oublie que les articles 33 de la Convention de Genève et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme interdisent le rapatriement forcé de personnes vers des pays dans lesquels elles peuvent courir des risques pour leur vie ou faire l’objet de traitements inhumains et dégradants.

3) Le régime des expulsions décidé par le texte unique 286, modifié par la loi Bossi-Fini, est plus articulé, et les hypothèses sont bien différentes des suppositions.

Le système de fond introduit par la loi 40 de 1998 (’loi Turco-Napolitano") a été largement confirmé même si on a renforcé les sanctions pénales liées à la non-observation de l’ordre d’expulsion et à la prolongation du séjour irrégulier sur le territoire (ou à une réentrée après l’exécution de l’éloignement forcé). L’étranger qui reste en Italie après que le préfet lui a intimé l’ordre de quitter le pays est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à un an. L’étranger déjà expulsé retrouvé sur le territoire national peut encourir jusqu’à quatre ans de réclusion. Dans les deux cas, l’arrestation et la procédure la plus directe sont obligatoires.

Les articles 12, 15 et 16 du texte unique 286 de 1998, encore en vigueur, prévoyaient l’expulsion administrative, l’expulsion par mesure de sécurité et l’expulsion au titre de sanction remplaçant la détention. En tant qu’instrument visant à rendre les expulsions effectives, la loi Turco-Napolitano parlait déjà des centres de séjour temporaire - en réalité des centres de détention administrative, comme on les appelle dans toute l’Europe -, même si de telles structures, qui ont été par le passé le théâtre d’événements tragiques, ont de plus en plus une portée plus démagogique qu’opérationnelle. Elles continuent à abriter des violations graves et répétées des droits de l’homme, comme en témoignent les associations et tous les parlementaires qui les ont soumises ces derniers mois à un contrôle permanent.

Comme on le verra à la lumière des chiffres pour la période 1999-2001, les données pour 2002 concernant les immigrés clandestins refoulés, dont l’expulsion a été ordonnée ou expulsés confirment la forte incidence des refoulements à la frontière et le peu d’efficacité des centres de séjour temporaire dans la garantie d’une exécution effective des mesures d’éloignement forcé des étrangers en situation irrégulière.

Récapitulatif
national relatif aux mesures d’éloignement des étrangers en
situation irrégulière et aux débarquements de clandestins

Année
1999

du 1.1.99 au 31.12.1999

Année
2000

du 1.1.2000 au 31.12.2000

Année
2001

du 1.1.2001 au 31.12.2001

Étrangers
effectivement éloignés

72 392

Étrangers
effectivement éloignés

66.057

Étrangers
effectivement éloignés

75 448

Refoulés
à la frontière

36 937

Refoulés
à la frontière

30 871

Refoulés
à la frontière

30 625

Refoulés
par les préfets

11 500

Refoulés
par les préfets

11 350

Refoulés
par les préfets

10 433

Expulsés
avec raccompagnement à la frontière

12 036

Expulsés
avec raccompagnement à la frontière

15 002

Expulsés
avec raccompagnement à la frontière

21 266

Expulsés
après décision conforme de l’autorité judiciaire

520

Expulsés
après décision conforme de l’autorité judiciaire

396

Expulsés
après décision conforme de l’autorité judiciaire

373

Étrangers
réadmis dans les pays de provenance

11 399

Étrangers
réadmis dans les pays de provenance

8 438

Étrangers
réadmis dans les pays de provenance

12 751







Étrangers
dont l’expulsion a été signifiée

40 489

Étrangers
dont l’expulsion a été signifiée

64 734

Étrangers
dont l’expulsion a été signifiée

58 171







Total
des étrangers effectivement éloignés ou dont l’expulsion a
été signifiée

112 881

Total
des étrangers effectivement éloignés ou dont l’expulsion a
été signifiée

130 791

Total
des étrangers effectivement éloignés ou dont l’expulsion a
été signifiée

133 619

4) En 2002, sur les 150 746 étrangers clandestins arrêtés sur le territoire national par la police, 88 501 ont été éloignés du pays, seuls 18 625 ont été internés dans les centres de séjour temporaire (CST) et une bonne partie des internés dans les CST - que l’on peut estimer à la moitié - n’ont pas été raccompagnés à la frontière en raison d’une non-reconnaissance par leur autorité consulaire, et donc de l’absence de la feuille de voyage.

L’importance des CST aux fins de garantie de l’effectivité des expulsions devient donc de plus en plus marginale et sera encore plus limitée si l’on considère qu’aucun des onze centres de séjour temporaire prévus pour 2003 par la loi Bossi-Fini, qui a doublé la durée maximale du séjour dans ces structures (de 30 à 60 jours), divisant ainsi par deux la capacité du système basé sur ces centres, n’est encore prêt.

Les droits fondamentaux des immigrés clandestins sont donc violés par la législation. À cela s’ajoute un processus accéléré de privatisation des centres de détention.

L’arrêté d’application du texte unique 286/98 en matière d’immigration, adopté en août 1999, prévoit également des dispositions contradictoires, établissant d’une part que "les modalités de la réception doivent garantir, dans le respect du déroulement régulier de la vie en communauté, la liberté de réunion à l’intérieur du centre et avec des visiteurs extérieurs, en particulier avec le défenseur qui assiste l’étranger, et avec les ministres du culte, la liberté de correspondance et de communication téléphonique, ainsi que les droits fondamentaux, sans préjudice de l’interdiction absolue pour l’étranger de s’éloigner du centre" pour affirmer tout de suite après que peuvent accéder aux centres, outre les membres de la famille vivant sous le même toit, le défenseur et les ministres du culte, "le personnel des organes, associations de volontariat et coopératives de solidarité sociale autorisés à mener des activités d’assistance en vertu de l’article 22 ou sur la base de projets de collaboration ad hoc conclus avec le préfet de la province où le centre est établi". Les associations qui ne "collaborent" pas à la gestion du centre ne peuvent donc y accéder sauf autorisation spéciale délivrée au cas par cas par le préfet.

L’article 22 du règlement fixe en effet, au niveau local, le pouvoir réglementaire du préfet qui "régit" l’activité du centre "en conformité avec les instructions de nature organisationnelle et administrative transmises par le ministère de l’Intérieur, également moyennant la conclusion de conventions appropriées avec l’organe local ou avec des entités publiques ou privées qui peuvent se prévaloir de l’activité d’autres organes, d’associations de volontariat et de coopératives de solidarité sociale". Au moyen de décrets successifs qui déclarent "l’état d’urgence en matière d’immigration", le gouvernement Berlusconi a conféré, de septembre 2002 à mars 2003 (en récupérant à cette occasion les craintes relatives à l’arrivée de réfugiés irakiens) et au nom de "l’état d’urgence", aux préfets de plus larges pouvoirs d’ouverture de nouvelles structures de détention, signant au passage de juteuses conventions avec des entités privées en dehors de toute transparence et de toute légalité administrative.

Après ces nouvelles conventions, presque toutes les associations indépendantes ont été de fait empêchées d’entrer dans les centres de séjour temporaire. Tout au plus a-t-on autorisé, avec de nombreuses limitations, comme l’impossibilité (dans plusieurs cas) de communiquer directement avec les immigrés, les visites de délégations conduites par des parlementaires.

Les dernières visites effectuées par des délégations de députés nationaux et régionaux en 2002 ont stigmatisé, même là où les structures de détention étaient gérées par des organismes privés, l’absence quasi-totale d’interprètes et de services de médiation, ainsi que l’impossibilité de recevoir des informations sur le droit d’asile ou d’introduire la demande y afférente ; les conditions d’hygiène scandaleuses ; les régimes de détention à la limite du traitement inhumain et dégradant (sanctionné par la Convention européenne des droits de l’homme) ; la pratique généralisée dans certains centres siciliens de procéder à un appel toutes les deux heures entre sept heures du matin et une heure du matin, en obligeant les immigrés à faire la file debout, en plein soleil comme sous la pluie battante ; les vexations fréquentes de la part des forces de l’ordre après les tentatives de fuite ou tout geste de rébellion. Les victimes de ces actes illégaux ont été tellement intimidées qu’elles n’ont pas déposé de plainte, à la seule exception des poursuites ouvertes contre les forces de l’ordre et des représentants de l’organisme gestionnaire (privé) à Lecce et à Bologne.

Ces pratiques qui nient la dignité des personnes détenues dans les centres dans l’attente de leur expulsion ont entraîné de nombreux actes d’automutilation que les médias n’ont pas relayés, témoignage tragique et unique des conditions inhumaines de séjour et de l’absence totale de perspectives de vie pour les immigrés qui y sont détenus.

5) Conclusions

La prolifération des centres de séjour temporaire en Italie constitue donc la partie visible d’un phénomène de plus en plus évident qui frappe désormais tous les pays européens : la limitation de la liberté de mouvement des étrangers, leur expulsion forcée immédiate quand ils sont ou passent en situation irrégulière, la négation de leurs droits fondamentaux à la liberté et à la défense.

Ce n’est toutefois pas tout : les nouveaux centres de détention pour demandeurs d’asile, diversement camouflés en centres d’identification apparemment ouverts, confirment une tendance qui prévaut aujourd’hui au niveau européen, à la suite de l’exemple britannique consistant en la limitation généralisée de la liberté de circulation des demandeurs d’asile.

La nouvelle procédure (dite "simplifiée") décentralisée comporte elle aussi le risque d’internement des demandeurs d’asile qui pourront être enfermés dans des centres d’identification encore privés de statut juridique sûr.

De fait, on assiste désormais à l’utilisation des mesures d’expulsion coercitives en tant qu’instruments "ordinaires et génériques de gestion de la présence des immigrés en Italie".

Plutôt que donner le résultat d’une plus grande sécurité des citoyens, la pratique généralisée de l’exclusion et de la discrimination finira par produire les effets inverses, contraignant un nombre sans cesse croissant d’immigrés à la clandestinité et, même si ce n’est que pour une frange marginale, à la délinquance.

Mais peut-être cet élément négatif pour la majorité des citoyens (et pour les immigrés eux-mêmes) offre-t-il à ceux qui basent leur programme de gouvernement sur le dépassement du principe de division des pouvoirs, et donc sur un déclin autoritaire du pays, d’autres occasions d’accentuer encore la répression et de propager une nouvelle conception de l’ordre public, avec la "pénalisation" de toutes les formes de contestation sociale et avec la "privatisation" des nouvelles structures carcérales qui s’avéreront nécessaires (uniquement pour les immigrés ?)...

L’Union des chambres pénales italiennes a souligné les profils d’inconstitutionnalité présents dans la nouvelle législation, avec une référence particulière à la nouvelle disposition qui prévoit l’arrestation en flagrant délit de l’étranger qui n’aurait pas obéi à l’ordre d’expulsion. Rejoignant une prise de position de l’ASGI, l’Union a relevé que "la disposition relative à l’arrestation obligatoire par dérogation aux articles 380 et 381 du Code de procédure pénale crée en fait la situation que vous dénoncez quant au caractère obligatoire pour le ministère public de l’arrestation d’une part, et à l’impossibilité contextuelle de demander une mesure coercitive de l’autre. Les profils d’inconstitutionnalité que la procédure comporte en relation avec la restriction indue de la liberté de l’étranger qui la lance sont évidents. À ce sujet, il est opportun de rappeler que, par son arrêt n° 105 d’avril 2001, la Cour constitutionnelle, se référant à la mesure de détention et de raccompagnement forcé à la frontière, a établi que les deux mesures ont une incidence sur la liberté personnelle, et non seulement sur la liberté de circulation, et qu’elles ne peuvent, partant, être adoptées en dehors des garanties de l’article 13 de la Constitution. Dès lors, les profils d’inconstitutionnalité que les effets provoqués par le mécanisme de procédure présentent, selon lesquels est prévue l’arrestation obligatoire en cas de soupçons de contravention en raison desquels la demande d’application de mesures de protection est impossible, sont patents."

Il faut donc attendre l’arrêt de la Cour constitutionnelle sur la légitimité de la nouvelle législation en matière d’éloignement forcé et de détention. Certains aspects de l’arrêté d’application pourraient influencer, comme cela a été le cas par le passé, cette évaluation.

Il ne semble pas que le débat communautaire sur les nouvelles normes communes en matière d’immigration et d’asile puisse déboucher sur des résultats réconfortants, parce que les procédures suivies dans l’adoption des directives, qui nécessitent encore une approbation à l’unanimité, risquent d’entraîner vers le bas les futures normes européennes pour le contrôle de l’immigration et l’accès aux procédures d’asile et de protection humanitaire. Un exemple en ce sens a été donné début 2003 par la nouvelle directive sur les garanties de procédure dans les demandes d’asile, par le nouveau règlement de Dublin et par les dernières versions de la proposition de directive sur le regroupement familial, des actes qui illustrent la régression en matière d’immigration qui touche égalementles organescommunautaires depuis 2001.

Lestravaux relatifs à la Convention européenne des droits de l’homme confirmenteuxaussicetteattitudenégative vis-à-vis de l’immigration, et le seul rempart semble encore résider dans ladite convention, dans les protocoles additionnels à cette convention et, surtout, dans la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, qui a à de nombreuses reprises condamné les principaux pays européens pour de graves violations de la convention perpétrées aux dépens d’immigrés au cours des procédures d’éloignement forcé.

Une fois les voies internes épuisées, il ne reste pas d’autre issue que l’appel à la Cour européenne des droits de l’homme, avec des recours efficaces et rapides. En faisant valoir également les recours en voie suspensive, comme prévu par l’article 39 du nouveau règlement de la Cour, en cas d’absence - comme pour les procédures d’expulsion - de voies de recours interne, leur non-effectivité substantielle et le déroulement très rapide des procédures administratives internes pourraient empêcher qu’une décision ultérieure de la Cour ne crée une protection réelle des droits fondamentaux que la Convention reconnaît également aux immigrés.