L’Espagne et le Maroc renouvellent leur coopération en matière de sécurité en liant crime organisé et immigration « irrégulière »

L’accord de coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité, élaboré entre les deux pays en février 2019, entrera en vigueur le 30 avril 2022

Nouvelle étape dans les relations bilatérales maroco-espagnoles sur le dos des exilé.e.s

Cet accord, basé sur le Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération entre le Royaume d’Espagne et le Royaume du Maroc, signé à Rabat le 4 juillet 1991, représente une nouvelle étape dans les relations bilatérales entre les deux pays.

Après des mois de brouille sur fond de crise diplomatique, [1] les deux pays renouent en renforçant leurs politiques de sécurisation des frontières, dans la lignée des politiques migratoires européennes, qui criminalisent chaque fois davantage le processus migratoire. L’Espagne quant à elle continue d’externaliser sa frontière Sud en étroite collaboration avec son voisin marocain, consolidant ainsi un espace de violation des droits.

Ce n’est pas la première fois que l’immigration dite irrégulière est associée à la criminalité organisée. L’effet d’aubaine des attentats dans le monde de ces dernières années (2001, 2015, 2016) a permis de légitimer le renforcement de la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière, et de l’associer aux contrôles aux frontières extérieures de l’UE.

Un accord à la formulation ambigüe et peu précise

L’article 1.2 est particulièrement inquiétant, car il assimile les "actions criminelles" (point f) à la "traite des êtres humains et à l’immigration irrégulière", sans préciser que le séjour irrégulier ne peut valoir, dans les pays européens, une sanction pénale [2].

De plus, à la différence de la traite des êtres humains [3], la migration ne constitue pas un crime et ces deux notions ne devraient pas être associées dans le texte. Par ailleurs, le fait que le rôle des trafiquants ou de groupes organisés qui tirent profit de la migration « irrégulière » ou qui la favorisent ne soit pas clarifié ouvre la voie à différentes interprétations biaisées, ne permettant pas de garantir le respect des droits humains aux frontières.
Tout aussi préoccupant est l’article 2 (point a) en ce qu’il intègre l’identification et la recherche des personnes disparues dans un processus de lutte contre la criminalité, alors même que ces dernières ne devraient être mentionnées que dans des conventions de sauvetage.

Migreurop et Euromed Droits dénoncent le contenu de l’accord entre l’Espagne et le Maroc sur la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité qui ancre les migrations dans une logique sécuritaire, ne pouvant qu’engendrer d’énièmes violations des droits aux frontières.

28 avril 2022

Soutiennent ce communiqué :
• Association Adala, pour le droit à un procès équitable
• Le Collectif des Communautés Subsahariennes au Maroc CCSM
• Caminando Fronteras