Cap Anamur, cap au pire

l’Europe contre l’asile se fait sous nos yeux

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communiqué de 10 associations françaises

Cap Anamur, cap au pire
l’Europe contre l’asile se fait sous nos yeux

Dix organisations - Act Up-Paris, Cimade, Collectif de soutien des exilés, Fasti, Gisti, LCR, Ligue des droits de l’homme, MRAP, Syndicat de la magistrature, Union syndicale G10 - ont signé le communiqué suivant sur les dérives du Cap Anamur, le bateau allemand dont les passagers - demandeurs d’asile soudanais - éprouvent les pires difficultés à solliciter protection en Europe.
Aux yeux des organisations signataires, cette affaire semble, en effet, symptomatique de la politique de l’asile dans l’Union européenne.

communiqué, Paris le 16 juillet 2004.

Le 11 juillet 2004, le Cap Anamur, bateau d’une ONG allemande, est autorisé « pour raisons humanitaires » à entrer dans le port de Porto Empedocle (Sicile) : soit vingt jours après avoir sauvé les 37 passagers (36 Soudanais du Darfour et 1 Ethiopien) d’un bateau pneumatique en perdition dans les eaux internationales entre la Libye et l’île de Lampedusa. Les autorités italiennes lui interdisaient leurs eaux territoriales depuis le 1er juillet.

Les réfugiés sont transférés pour identification au CPT d’Agrigente (l’un de ces non-lieux d’enfermement des étrangers) et risquent l’expulsion ; le capitaine, l’officier en second et le président de l’ONG sont arrêtés le 12 juillet pour avoir « favorisé l’immigration illégale » (art 12 de la loi Bossi-Fini). Le bateau est mis sous séquestre. La police fait courir le bruit que les réfugiés sont ghanéens et non pas soudanais (combien d’années d’espérance de vie en plus ? combien de nécessité de mobilité en moins ?), allégation immédiatement démentie par plusieurs religieux présents à bord, et non moins immédiatement reprise par la télévision italienne et certains médias européens, qui s’étaient jusque là désintéressés de l’affaire.

Roberto Castelli, ministre de la Justice, déclare, dans une paranoïa nationaliste somme toute en accord avec l’air du temps, qu’il est facile de feindre l’urgence pour tester la capacité de résistance des pays européens.

Par ce refoulement aux frontières maritimes, l’Italie a bafoué ses obligations internationales (violation de la Convention de Genève, principe de non-refoulement selon lequel quiconque se présente à une frontière a droit de présenter une demande d’asile). Elle a aussi tordu dans son sens le règlement Dublin II : afin de déterminer l’Etat compétent pour l’examen de la demande d’asile, il aurait d’abord fallu que la demande ait été déposée dans un Etat de l’UE. Et, dans cet Etat - l’Italie -, le Parlement doit adopter une loi sur l’asile qui n’est donc pas en vigueur. Il a ainsi délégué à la police l’admission à la procédure d’asile des réfugiés contraints à l’immigration clandestine.

L’Italie s’est ensuite livré à un obscène jeu de « patate chaude » avec l’Allemagne et Malte (où le Cap Anamur s’était arrêté), chacun se renvoyant la responsabilité, tandis que des vies étaient en péril (matériel et psychologique) et que la Convention de Genève, la Charte de Nice et la Constitution italienne étaient niées. C’est tout juste si ces trois Etats membres de l’UE, avec le silence complice des institutions européennes, ont consenti à évoquer l’« urgence humanitaire », tout en précisant qu’il leur était impossible d’y répondre sous peine d’instaurer un « dangereux précédent qui ouvrirait la voie à de nombreux abus ». C’est dire assez que, dans cette gestion policière qu’est devenue la politique d’asile, les hommes et les femmes n’existent pas.

Le HCR, l’ONU et le Vatican s’étant tardivement émus, l’accostage fut finalement autorisé en Sicile, ce qui permit à l’Allemagne de se retirer du jeu en rejetant toute la responsabilité de l’accueil et de l’examen de la demande d’asile sur l’Italie.

Le gouvernement italien utilise maintenant la doxa européenne, assimilant à la criminalité organisée le fait de sauver des vies en mer, et considérant les réfugiés comme des terroristes potentiels.

En Italie, les ONG, les associations, les activistes, la société civile, présents dès le premier jour, ont lancé des appels, informé, mobilisé, proposé la création de commissions ad hoc, et préparent un recours auprès la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

C’est cette mobilisation et les droits des réfugiés et des migrants que les associations et militants européens doivent soutenir et relayer, en dénonçant à leur tour une politique européenne de déni du droit qui, ne visant qu’à dissuader par la force les réfugiés, transforme les frontières de l’UE en cimetières.

chronologie, communiqués et analyses


Cap Anamur, verso il peggio
è sotto i nostri occhi l’Europa contro l’asilo

Appello da 10 associazioni francese - Act Up-Paris, Cimade, Collectif de soutien des exilés, Fasti, Gisti, LCR, Ligue des droits de l’homme, MRAP, Syndicat de la magistrature, Union syndicale G10.

Paris, 16 luglio 2004

L’11 luglio 2004, Cap Anamur, nave di un’ONG tedesca dell stesso nome é autorizzata « per ragioni umuanitarie » ad approdare nel porto di Porto Empedocle (Sicilia), 20 giorni dopo aver salvato 37 passagieri (36 sudanesi e 1 etiope) di un gommone in pericolo in acque internazionali tra la Libia e Lampedusa. Dal primo luglio, le autorità gli rifutavano l’ingresso nelle acque italiane.

I rifugiati sono stati trasferiti al CPT di Agrigento (uno tra i non-luoghi in cui vengono imprigionati gli stranieri). Il questore di Agrigento ha notificato un decreto di espulsione ; il capitano, il secondo ufficiale e il presidente della ONG tedesca sono stati arrestati per « favoreggiamento di immigrazione clandestina » (art. 12 della Bossi-Fini). La nave viene sequestrata.
La polizia fa subito circolare voci che i rifugiati sono del Ghana e non sudanesi (quanti anni di vita in più ? quanto bisogno di mobilità in meno ?) ; la voce é subito smentita da diversi religiosi presenti sul Cap Anamur, e nonostante ció diffusa dalla televisione italiana e da diversi media europei che fino ad allora si erano disinteressati della vicenda.
Roberto Castelli, ministro della giustizia, in una paranoia nazionalista che concorda con l’aria del tempo dichiara che é facile fingere l’emergenza per mettere alla prova la capacita di resistenza dei paesi europei.

Con questo « respingimento collettivo in mare » l’Italia si é beffata dei suoi impegni internazionali (violazione della Convenzione di Ginevra e del principio di non-respingimento che permette a chiunque si presenti alla frontiera di presentare una richiesta di asilo). L’Italia ha inoltre distorto a suo vantaggio il senso di Dublin II : per determinare lo stato legitimo affinché sia esaminata la richiesta di asilo, bisogna che tale richiesta sia presentata in uno degli stati membri dell’ UE. L’Italia, dove non c’e ancora una sanatoria sull’ asilo, ha delegato alla polizia l’ammissione della procedura di asilo dei refugiati costretti all’immigrazione clandestina.

Poi l’Italia si é lanciata in un osceno gioco della « patata bollente » con la Germania e Malta, respingendo le sue resposibilità sugli altri, mentre vite erano in pericolo (materiale e psicologico), e la Convenzione di Ginevra, la Carta di Nizza e la constituzione italiana venivano negate. Mancava poco che questi 3 stati membri del’UE, col silenzio complice delle instituzioni europee, non consentissero di evocare l’« emergenza umanitaria », sostenendo che cio avrebbe creato « un precedente pericoloso aprendo la strada a numerosi abusi ». Ecco come nella gestione poliziesca in cui si trova la politica di asilo, uomini e donne non esistono più.
L’ACNUR, l’ONU e il Vaticano sono state tardivamente toccate dalla vicenda e l’approdo in Sicilia é stato in fine autorizzato ; cio ha permesso alla Germania di uscire dal gioco, respingendo sull’Italia la responsabilità dell’accoglienza e dell’accesso alla richiesta di asilo.

Il governo italiano approfitta adesso della doxa europea, assimilando a criminali dei salvatori vite in pericolo, e considerando i rifugiati come potenziali terroristi.

In Italia, ONG, associazioni, attivisti e societa civile, presenti dal primo giorno, hanno lanciato appelli, diffuso informazione, mobilizato, proposto la creazione di una commissione ad hoc, e preparano adesso un ricorso alla Corte europea per i diritti umani.

Associazioni e militanti europei devono sostenere e diffondere questa mobilitazione e i diritti dei rifugiati e dei migranti, denunciando una politica europea di asilo che, con l’obbiettivo di dissuadere i rifugiati con la forza, transforma il Mediterraneo e le frontiere in cimiteri.


Cap Anamur, for the worst
Europe against asylum in construction under our own eyes

"Ten French associations - Act Up-Paris, Cimade, Collectif de soutien des exilés, Fasti, Gisti, LCR, Ligue des droits de l’homme, MRAP, Syndicat de la magistrature, Union syndicale G10 - have signed the following press release on the fate of Cap Anamur, this german boat the passengers of which - Sudanese asylum seekers - are trying, within the utmost difficulties, to seek protection in Europe. For us, this issue is a symptom of the degradation of EU asylum policy.

Press release, Paris, 16 July 2004

On July 11th, 2004, Cap Anamur, a ship belonging to a German aid agency, authorized "for humanitarian reasons" to dock in Porto Empedocle harbour (Sicily) : twenty days after having rescued the 37 passengers (36 Sudanese from Darfour and 1 Ethiopian) from a dinghy sinking in international waters between Libya and Lampedusa island. Italian authorities had been banning the ship from territorial waters since 1 July.

The refugees have been transfered for identification to Agrigento CPT (one of the foreigners detention camps) and may be deported ; the captain, the first mate and the head of the aid agency are arrested on July 12th for "favouring illegal immigration" (art 12 Bossi-Fini law). The ship has been confiscated. The police claims that the refugees are from Ghana and not from Sudan, an allegation immediately denied by several priests who were on board, and nevertheless immediately broadcasted by Italian TV and several European media outlets, which had not shown any interest whatsoever until then.

Roberto Castelli, Italian Home Affairs minister, declared, in a nationalist paranoïa quite in conjunction with mainstream opinions, that it is easy to feign urgency in order to test the capacity of resistance of european countries.

By its actions Italy has scorned its international obligations (violation of Geneva Convention, non-turning back principle, which says that anyone who turns up at a border has the right to present an asylum request). It has also misinterpreted Dublin II : in order to determine the state responsible for examining the asylum request, the request must first be presented in a EU member state. Moreover, the Italian Parliament has not yet adopted an asylum law ; Italy has delegated to police the treatment of the admission to asylum procedure of refugees who have no other issue than clandestine immigration.

Italy then played an obscene game with Germany and Malta (where Cap Anamur had stopped), each country handing the responsibility to the others, while lives were in danger and Geneva Convention, Nice Carta and Italian Constitution were negated. These 3 EU member states, with the conniving silence of the european institutions, hardly mentioned "humanitarian urgency", while insisting on the fact that it was impossible to meet for fear of creating a "dangerous precedent which would lead to numerous abuses". Another proof that, in this asylum policy turned into police management, men and women do not exist.

UNHCR, the UN and the Vatican were nonetheless moved (very late), and the docking in Sicily was eventually authorized ; this allowed Germany to exit the game, claiming that the responsibility was fully on Italy for the welcome and the processing of asylum requests.

The Italian government now uses the European doxa, which calls organised criminals those who save lives at sea, and which sees a potential terrorist in every refugee.

In Italy NGOs, associations, activists, the civil society, present since day 1, have called for solidarity informed, mobilized, asked for the creation of special commissions, and are preparing an appeal before European Court of Human Rights (ECHR).

European associations and activists must support and relay this mobilization, as well as the refugees rights, by denouncing a european policy which denies law and, aiming only to forcibly dissuade refugees, turns the European borders into cemeteries.