(im)ports (ex)ports : la circulation en trompe-l’œil des marins de commerce

Atlas libertés de circulation 2022

Ce mois-ci, Migreurop vous présente une nouvelle carte issue de l’« Atlas des migrations dans le monde : libertés de circulation, frontières, inégalités » qui propose un traitement original et éclairant des enjeux migratoires contemporains en explorant la notion de liberté de circulation.

Cet ouvrage s’intéresse aux moments historiques, aux dispositifs, aux politiques et aux moyens mis en œuvre par les États pour faciliter les migrations et les mobilités en général. Il vise à remettre en question l’idée qu’il n’y aurait pas d’alternative au durcissement des politiques migratoires, tout en invitant à (re)penser la libre circulation au-delà de l’ordre existant du droit international et à partir des « pratiques par le bas ».

Alors que les politiques douanières de l’administration Trump inquiètent les entreprises et semblent remettre en cause la poursuite du commerce maritime international [1] dans les proportions que ce dernier connaît depuis plusieurs décennies, Migreurop vous invite à vous pencher sur la mobilité des travailleurs de la mer.

Cette carte intitulée « (im)ports (ex)ports » de Françoise Bahoken et Nicolas Lambert illustre les grandes voies de navigation mondiales et le débit effréné de marchandises dans les 120 premiers ports mondiaux. Centrée sur le pôle Sud, elle met en relief mers et océans comme un même espace de navigation alors que les continents fractionnés semblent s’effacer. Elle offre ainsi une perspective nouvelle sur cette réalité planétaire qu’illustre le texte « Flux must go on ! La circulation en trompe-l’œil des marins de commerce » de Claire Flecher. Celui-ci permet de faire la lumière sur le « droit à la mobilité facilitée » dont disposent les marins de commerce.

Partant du constat que « les marins les plus recherchés sont ceux dont la liberté de circulation est d’ordinaire la plus entravée », cette double-page démontre qu’il s’agit d’une liberté «  extrêmement limitée et subordonnée à leur employeur ». Les armateurs, qui recrutent à l’échelle internationale, privilégient en effet les travailleurs faiblement rémunérés, issus de pays d’Asie du Sud-Est, d’Europe de l’Est ou d’Afrique. Les spécificités du secteur, telles que le caractère indicatif des durées des contrats d’engagement des marins de commerce, ou l’emploi « au voyage », précarisent ces travailleurs et les exposent à des abus nuisant à leur santé physique et mentale.

Les crises impactant le commerce maritime international peuvent, dans ce cadre, avoir des conséquences néfastes sur les conditions de travail des marins, comme ce fut le cas durant la pandémie liée au Covid-19. Les conséquences incertaines des droits de douanes imposés par les États-Unis font donc peser de nombreux risques sur les travailleurs du secteur.

L’Atlas illustre ainsi comment la mobilité fondée sur le travail et des motifs économiques se retrouve viciée par ces mêmes motifs : lorsque la libre-circulation des personnes n’est qu’un instrument pour servir la libre-circulation des marchandises, les premières peuvent rapidement se trouver traitées comme les secondes.