Revue de presse février 2025

 Égypte

Les conditions de vie dégradantes des réfugié·e·s soudanais·e·s en Égypte ont fait l’objet d’un rapport de l’ONG Refugee International, qui alerte sur leur non-accès aux services de santé, à l’éducation ainsi qu’à l’emploi, et sur la probabilité de voir cette situation empirer dans le sillage de l’adoption et de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’asile en Égypte. Cette loi soulève de nombreuses inquiétudes [1] : cessation des enregistrements de demandes d’asile par le HCR et transfert de cette responsabilité à une commission nationale aux larges pouvoirs discrétionnaires, application rétroactive, révocation du statut de réfugié·e·s pour les bénéficiaires s’engageant dans des activités politiques ou syndicales, risques accrus d’expulsion…

Alors que plus de 925 000 réfugié·e·s seraient présent·e·s en Égypte selon le HCR (dont 70% de Soudanais), l’UE avait annoncé en mars 2024 la signature d’un partenariat stratégique global avec l’Égypte, assorti d’une enveloppe de 200 millions d’euros fléchés sur les enjeux migratoires : cette nouvelle loi sur l’asile aurait fait partie des contreparties officieusement attendues par l’UE au terme des négociations [2]. L’UE choisit ainsi de déléguer à l’Égypte, dans une approche transactionnelle similaire à celle employée avec d’autres pays du pourtour méditerranéen, la mise en œuvre de politiques d’entrave aux mouvements migratoires dirigés vers son territoire – cherchant par là à s’affranchir de sa responsabilité dans les violations des droits de l’Homme qu’entrainent ces politiques.

 Libye/Tunisie

La découverte de fosses communes contenant des douzaines de corps (vraisemblablement ceux de personnes exilées), à Jakharrah et dans le désert d’Alkufra, en Libye, semble venir confirmer que se poursuivent les violations des droits de l’Homme commises à l’encontre des éxilé·e·s en Lybie, déjà documentées par la Mission d’enquête indépendante sur la Libye et d’autres organisations [3].

Ces exhumations concordent avec les allégations de « crimes d’État » formulées à l’encontre de la Tunisie [4], accusée de prendre part à un système organisé de traite des êtres humains et d’enlèvement des exilé·e·s, fondé sur une collaboration entre son appareil policier et militaire, et les trafiquant·e·s, milices ou forces armées libyen·ne·s. L’UE est accusée de contribuer à ces crimes, dans le cadre des financements accordés à la Tunisie comme à la Libye pour « renforcer le contrôle aux frontières » ou « la gestion des migrations », par le biais de fonds tels que le Fonds Fiduciaire d’Urgence de l’UE pour l’Afrique ou le fonds NDICI [5]. L’Italie fournit de son côté les autorités tunisiennes et libyennes chargées du contrôle des frontières en matériel et en formations. Ce soutien, visant à sciemment faire obstacle à la mobilité des exilé·e·s au mépris de leurs droits, fait l’objet de vives critiques. En janvier, les révélations du Guardian concernant les nombreuses agressions (notamment sexuelles) que la garde nationale tunisienne aurait commises sur des exilé·e·s ont ainsi poussé la Commission européenne à entamer une réflexion sur sa politique de financement en Tunisie [6], sans toutefois qu’aucun changement concret ne soit annoncé à ce stade.

 Jordanie

Une déclaration conjointe [7] annonçant un partenariat stratégique global entre la Jordanie et l’UE a été signée, à l’occasion d’une visite du roi Abdallah II à Bruxelles, le 29 janvier 2025. Sur le modèle des précédents « partenariats stratégiques globaux » signés par l’UE avec des pays situés à ses frontières extérieures (Mémorandum d’entente avec la Tunisie en juillet 2023, partenariat avec l’Égypte en mars 2024), ce partenariat, non contraignant juridiquement, vise à encourager la coopération entre les parties sur un nombre de sujets (économie, commerce, défense…) dont « la migration, la protection et le soutien aux réfugié·e·s ». Il est par ailleurs assorti d’une promesse de financement de l’UE, à hauteur de trois milliards d’euros (dont 640 millions d’euros sous la forme de subventions).

La composante migratoire du partenariat s’inscrit dans la continuité des logiques déjà à l’œuvre vis-à-vis de la Tunisie et de l’Égypte : la « gestion des frontières » et la lutte contre toute forme de migration jugée irrégulière y sont érigées en priorités, et la protection internationale traitée implicitement comme seul motif de déplacement légitime et susceptible de recevoir le soutien de l’UE.

 Chypre

Dans une enquête conjointe [8] publiée le 17 février dernier, Statewatch, The New Arab et UntoldMag décrivent comment Chypre, avec le soutien financier et opérationnel de l’UE et de Frontex, contraint les réfugiés syriens à quitter son territoire sous le couvert de son programme de « retours volontaires assistés ». Sous la menace d’expulsions forcées, dans un contexte d’accès entravé à l’asile [9], d’accusations infondées de crimes graves, et de détentions illégales dans des conditions dégradantes [10], les réfugié·e·s syrien·ne·s sont contraint·e·s à signer des accords de retour volontaire, en échange d’une contrepartie financière (1 500 euros). Sur les 9,7 millions d’euros octroyés par l’UE à Chypre au titre de ce programme entre mai 2022 et septembre 2024 (soit 90% de son budget total), aucune somme n’est prévue pour encadrer et surveiller le programme ou garantir la bonne information et la libre décision des réfugié·e·s à qui il est « proposé ». L’UE finance par ailleurs la construction à Chypre de camps où seront détenus les demandeurs d’asile avant leur potentielle expulsion, participant de fait à un climat visant à contraindre les exilé·e·s à accepter des expulsions déguisées en « retours volontaires », moins coûteuses tant sur le plan financier que réputationnel.

 Espagne

Un second survivant du massacre de Tarajal [11] a déposé, 11 ans après les faits, une plainte contre l’Espagne devant le Comité contre la Torture de l’ONU. L’Espagne est accusée de n’avoir ni prévenu, ni effectivement investigué, les actes de violence et de torture commis par la Guardia Civil contre les plus de 200 personnes ayant tenté de rejoindre Ceuta depuis le Maroc le 6 février 2014.

L’enclave de Ceuta, qui jouxte le Maroc, est depuis des décennies hautement militarisée et surveillée par l’Espagne [12], avec la coopération des autorités marocaines, dans une vaine tentative d’empêcher le passage d’exilé·e·s vers ces territoires. Selon le Maroc, plus de 4 200 personnes auraient tenté de traverser la frontière en 2024 [13] en dépit du danger pour leur vie (27 décès et 17 disparitions recensés en 2024 [14]) et du recours quasi-systématique des autorités espagnoles au refoulement. Cette pratique avait été jugée conforme, en certaines circonstances, à la Convention européenne des droits de l’Homme, dans un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 13 février 2020 [15], bien que le quatrième protocole de la Convention proscrive toute expulsion collective d’étranger·e·s.

 France

Le 28 février 2024, environ 60 migrant·e·s ont tenté de traverser la Manche à bord d’un canot pneumatique : la suroccupation de l’embarcation et les fortes vagues auxquelles elle faisait face ont entraîné la chute par-dessus bord de quatre personnes. Alarm Phone révèle que malgré la détection rapide du canot et sa surveillance par les autorités françaises, dont plusieurs bateaux ont été dépêchés sur place, les opérations de recherche et de sauvetage n’ont été lancées que deux heures et demie plus tard, sans solliciter d’assistance auprès des Britanniques avant encore plus d’une heure. Sur les quatre personnes tombées à l’eau, trois ont pu être repérées, mais seul le corps d’une d’entre elles a pu être repêché ; par la suite, les autorités françaises ont cessé leurs recherches (alors que leurs homologues britanniques ont poursuivi les leurs pendant une dizaine d’heures supplémentaires) et les deux autres personnes repérées sont portées disparues. Alarm Phone souligne la négligence et l’acharnement dont les autorités françaises ont fait preuve à l’encontre des rescapé·e·s : trois survivant·e·s ont été arrêté·e·s et interrogé·e·s, et l’un d’entre eux a par la suite été placé en détention provisoire pour homicide involontaire et assistance à l’entrée et au séjour irrégulier, risquant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement.

Alors que 2024 a été l’année la plus meurtrière jamais recensée en Manche, et que le nombre moyen de personnes sur les embarcations à destination du Royaume-Uni est, depuis 2018, en augmentation, la politique de « dissuasion » menée par les autorités françaises et britanniques participe à la mise en péril des vies des exilé·e·s cherchant à rejoindre le Royaume-Uni [16]. L’annonce par le gouvernement français [17] d’un élargissement [18]à l’ensemble des frontières de l’hexagone de la « force frontière » déjà déployée à la frontière franco-italienne depuis 2023 laisse présager une accélération de la logique de militarisation et de surveillance massive déjà à l’œuvre dans la Manche, malgré les vives critiques générées par ce dispositif dans le sud de la France.

 Grèce

Plus d’un an et demi après le naufrage de Pylos, qui a fait au moins 500 morts, le médiateur de la République hellénique a annoncé dans un communiqué de presse la conclusion de son enquête indépendante portant sur la responsabilité des autorités grecques dans le naufrage. Le rapport pointe « une série d’omissions graves et persistantes dans les tâches de recherche et de sauvetage de la part d’officiers supérieurs du corps des gardes-côtes » ainsi que leur « négligence du risque pour la vie, la santé et l’intégrité des étrangers à bord du navire ».

Le rapport, dont les conclusions n’imposent aucune contrainte aux autorités grecques, parait dans un contexte de mobilisation des survivant·e·s et victimes du naufrage et de leurs avocat·e·s, qui ont déposé en décembre 2024 une requête devant le procureur de la Cour Maritime du Pirée exigeant une enquête approfondie, ainsi que des poursuites pénales contre les différents fonctionnaires chargé·e·s du Centre National de Coordination des Recherches et Sauvetages et leurs hiérarchies. Ces demandes se heurtent aux failles chroniques de l’État de droit en Grèce, où les fonctionnaires d’État et leur hiérarchie ne rendent pas compte de leurs actes devant la justice lorsqu’ils sont accusés de refoulement, de violences à l’encontre d’exilé·e·s, ou d’intimidation des défenseur·euse·s des droits de l’Homme, en dépit de nombreuses plaintes et instructions ouvertes [19]. Dans le même temps, les modes opératoires meurtriers des garde-côtes grecs se poursuivent : ils auraient ainsi délibérément percuté une embarcation [20] avec à son bord 27 exilé·e·s, causant la mort violente de huit d’entre eux, le 20 décembre dernier, au large de Rhodes.

Cinq organisations actives dans le camp de Samos, en Grèce, ont adressé une lettre ouverte [21] au Commissaire européen pour la Justice et les Affaires intérieures, afin de l’alerter, après sa visite en Grèce, des conditions de détention dans le camp (détentions arbitraires et automatiques, sans évaluation individuelle, surpopulation, accès restreint aux ressources et services de base, conditions sanitaires inquiétantes, surveillance massive [22]…). Les organisations signataires appellent à un meilleur contrôle des conditions d’accueil des exilé·e·s en Grèce, et particulièrement des mineur·e·s non accompagné·e·s placé·e·s en « zone sûre », afin de garantir que les financements de l’UE n’encouragent ni ne soutiennent des violations des droits de l’Homme.

Le camp de Samos est depuis plusieurs années pointé pour les traitements dégradants qu’y subissent les exilé·e·s avec le soutien financier de l’UE. Plus récemment, le 5 février dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme a fait droit à la requête de Human Rights Legal Project demandant l’application de mesures provisoires (urgentes) [23] concernant les conditions de détention de quatre mineur·e·s non accompagné·e·s placé·e·s dans la « zone sûre » du camp de Samos. Les conditions de vie des exilé·e·s dans les camps grecs ont conduit un consortium d’experts à qualifier d’incompatibles les « transferts Dublin » à destination de la Grèce avec l’obligation incombant aux États de n’exposer aucun individu à de la torture ou des traitements inhumains ou dégradants [24]. Par ailleurs, depuis mars 2022, la Cour a enjoint la Grèce de prendre des mesures provisoires à 100 reprises pour des cas de risque de refoulement, concernant un total de 1 140 personnes [25]. Cependant, pour 58 de ces cas, la Grèce n’a pas pris les mesures indiquées par la Cour, et pour 33 autres, les exilé·e·s concerné·e·s n’ont pas pu être retrouvé·e·s, ce qui illustre le non-respect de la Convention et des décisions de la Cour dont fait preuve la Grèce.

 Italie

Le gouvernement italien serait en train d’étudier les possibilités de trouver un nouvel usage aux camps en Albanie, après l’annulation par la justice italienne des trois tentatives de transfert d’exilé·e·s rescapé·e·s en mer [26]. Les autorités italiennes envisageraient d’en faire des camps de rétention « pré-expulsion », dans lesquels pourraient être détenu·e·s des exilé·e·s faisant l’objet d’une décision d’expulsion, en l’attente de son exécution. L’Italie n’exclurait pas, à ce stade, de remettre en cause sa juridiction sur ces centres, afin d’en transférer la gestion et responsabilité exclusive à Tirana.

Cette volonté de « recycler » les camps pourrait cependant se heurter à des obstacles de nature diplomatique (opposition publique de l’Albanie à toute modification du protocole en vigueur [27]), mais aussi juridique (conformité avec la directive « Retour » en vigueur, ou avec la future norme européenne sur les retours censé l’abolir, présentée en mars par la Commission européenne).

La Cour de Justice de l’Union européenne a tenu, le 25 février dernier, une audience préliminaire dans le cadre des affaires C-758/24 et C-759/24, dans lesquelles des juridictions italiennes demandent (entre autres) à la Cour d’interpréter la conformité avec le droit de l’Union de la liste de « pays d’origine sûrs » établie (et modifiée) par l’Italie – qui sont les seuls pays dont les ressortissant·e·s peuvent être détenu·e·s dans les camps en Albanie dans l’attente de l’examen de leur situation, conformément au protocole d’entente entre les deux pays (2023 [28]). La Cour avait déjà jugé, dans un arrêt rendu le 4 octobre 2024, qu’un pays ne pouvait être considéré comme partiellement sûr – bien que cela soit rendu possible par le Pacte sur la migration et l’asile (adopté en 2024), qui entrera en vigueur en juin 2026. Lors de cette audience, la Commission européenne a soutenu la position jusqu’au-boutiste de l’Italie en matière d’externalisation. Les conclusions de l’avocat général de la Cour sont attendues pour le 10 avril prochain [29], et l’arrêt de la Cour pour mai ou juin 2025.

 Pays-Bas

La Cour de Justice de l’UE a rendu le 4 février dernier un arrêt [30] jugeant non conforme au droit européen la pratique néerlandaise consistant à (I) faire supporter aux réfugié·e·s l’intégralité des frais des cours et examens d’intégration civique leur étant imposés, à (II) leur proposer, pour le paiement de ces cours, des prêts dont le remboursement n’est dû qu’en cas d’échec à l’examen dans les délais impartis, à (III) infliger systématiquement des amendes en cas d’échec à l’examen, et à (IV) fixer le montant de ces dernières à des niveaux déraisonnablement élevés. En revanche, la Cour a validé la conformité du caractère obligatoire de ces cours et examens, dès lors qu’ils prennent en compte les besoins spécifiques des bénéficiaires, se basent sur des exigences fixées à un niveau approprié, et laissent une possibilité de dispense pour celles et ceux disposant de preuves suffisantes d’intégration. Le gouvernement des Pays-Bas a annoncé par communiqué de presse prendre bonne note de cet arrêt et réfléchir aux conséquences de cette décision pour son système d’intégration actuel et passé : en effet, la loi à l’origine du contentieux (datée de 2013) ayant, depuis l’époque des faits, été modifiée (en 2022), deux systèmes d’intégration coexistent en fonction de la date d’octroi du statut de réfugié·e. Le gouvernement estime qu’environ 11 000 réfugié·e·s sont encore soumis·e·s aux règles de la loi de 2013. Les autres ne sont plus tenu·e·s, depuis 2022, de contracter des prêts pour financer leurs cours d’intégration ; cependant, elles et ils risquent encore des amendes en cas d’échec à l’examen dans les délais impartis.

 Royaume-Uni

Le Royaume-Uni a publié de nouvelles « lignes directrices » à l’intention de son administration, qui érigent en règle le refus d’octroi de la nationalité britannique à tout·e étranger·e entré·e sur le territoire hors des postes de frontière habilités ou dans des circonstances jugées dangereuses (par exemple, par le biais de petites embarcations ou d’une dissimulation dans un véhicule). Ces lignes directrices sont applicables pour toute demande de naturalisation introduite à compter du 10 février 2025. Une (incertaine) marge d’appréciation et de discrétion semble toutefois subsister dans la formulation de la mesure (“[…] will normally be refused [British citizenship]”, laissant entendre qu’il pourrait exister des exceptions à la règle).

Cette décision entre en contradiction tant avec l’esprit qu’avec la lettre de l’article 34 de la Convention de Genève de 1951, qui dispose que « les États contractants faciliteront, dans toute la mesure du possible, l’assimilation et la naturalisation des réfugiés [et] s’efforceront notamment d’accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure du possible, les taxes et les frais de cette procédure ». Par ailleurs, la mesure s’apparente à une forme de pénalisation du séjour irrégulier, pourtant prohibée par l’article 31 de la même Convention. Une lettre ouverte a été adressée par 148 représentants d’ONG, d’organisations syndicales et religieuses, à la secrétaire d’État chargée des affaires intérieures, afin que cette mesure soit abandonnée.

Le gouvernement travailliste a annoncé un investissement de 5 millions de livres en faveur de l’employabilité en Tunisie, afin de réduire les probabilités que les personnes résidant en Tunisie cherchent à rejoindre le Royaume-Uni. Un million de livres ont également été promis afin de soutenir le programme de « retours volontaires assistés et réintégration » de l’OIM, et donc l’expulsion des exilé·e·s présent·e·s en Tunisie vers leur pays d’origine. Le ministre britannique des Affaires étrangères a par ailleurs fait mention de « technologies britanniques » (lunettes de vision nocturne, drones) qui seraient fournies à la Tunisie afin de « contribuer à sauver des vies, à réduire la migration illégale et à poursuivre les responsables du trafic de migrants ».

Dans le cadre des nombreuses allégations de violations graves des droits de l’Homme par la Tunisie à l’encontre des exilé·e·s sur son territoire (voir p.2), le soutien financier et matériel du Royaume-Uni à la Tunisie illustre le maintien de la volonté britannique d’externaliser ses frontières, sans considération pour les violations des droits de l’Homme auxquelles cette politique contribue.

 Concept de « pays tiers sûr »

La Commission européenne serait en train d’étudier, avec quelques mois d’avance, la révision du concept de « pays tiers sûr », que le règlement « Procédures d’Asile » du Pacte sur la migration et l’asile impose de commencer avant juin 2025. Le concept, distinct de celui de « pays d’origine sûr », permet à un État membre de déclarer irrecevable une demande d’asile au motif que celle-ci aurait raisonnablement pu être déposée dans un État non-membre de l’UE avec lequel la personne requérant l’asile entretiendrait un lien de connexion. Mobilisé de manière hétérogène par les États membres de l’UE, la Suisse, la Norvège et l’Islande (non défini en droit national ou non appliqué dans 14 États sur 30 et pleinement défini et appliqué sur la base d’une liste nationale adoptée dans seulement 6 États [31]), le concept devait être revu par la Commission (sans être obligatoirement modifié) avant l’entrée en vigueur du Pacte. Selon les informations obtenues par Euractiv, la Commission réfléchirait, en lien avec les demandes exprimées dans une lettre par 15 États membres en mai 2024 [32], à supprimer le lien de connexion entre un·e demandeur·euse d’asile et le « pays tiers sûr » au motif duquel sa demande est jugée irrecevable. Cela rendrait de fait possible l’expulsion de demandeur·euse·s d’asile dans n’importe quel pays du monde, dès lors que celui-ci accepterait de l’accueillir et pourrait être considéré comme sûr aux termes du droit européen, sans considération pour les désirs de la personne expulsée, ou sa probabilité d’intégration dans ledit « pays tiers sûr ». Par ailleurs, la Commission étudierait également la possibilité de supprimer l’effet suspensif automatique des recours interjetés contre une décision d’irrecevabilité, principe pour le moment consacré par la directive en vigueur, et non modifié par le Pacte. Ce changement pourrait conduire à ce que la personne requérant l’asile soit obligée de demander à l’autorité judiciaire la permission de rester sur le territoire dans l’attente d’une décision définitive sur son dossier, tout en étant susceptible de faire l’objet d’une décision d’expulsion.

 Refoulements

Un rapport [33], publié le 17 février dernier par neuf organisations de défense des droits de l’Homme présentes dans différents pays européens, met en lumière la systématisation des opérations de refoulement aux frontières extérieures de l’UE. Au moins 120 457 refoulements d’étranger·e·s auraient eu lieu en 2024 aux frontières extérieures de l’UE, sans laisser à ces dernier·e·s la possibilité de déposer une demande d’asile, en complète violation du principe de non-refoulement. La Bulgarie est le pays qui aurait réalisé le plus de refoulements (plus de 52 000, vers la Turquie), suivie par la Grèce (plus de 14 000) – qui a d’ailleurs été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme le 7 janvier dernier pour un cas de refoulement. La Cour a, en parallèle, commencé à examiner, le 12 février dernier, des cas de refoulement vers la Biélorussie, qui auraient été commis par la Pologne [34], la Lettonie [35] et la Lituanie [36], [37].

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