Olivier Clochard : « On s’émeut un instant sur le corps d’un enfant, et on oublie… Quel cynisme ! »

L’Humanité (France), 08/01/2016

Olivier Clochard, Migreurop, chargé de recherche au CNRS (Migrinter)

Nombre de médias peu enclins à critiquer les chiffres annoncés consentent à relayer l’idée que l’Union européenne est confrontée à des afflux massifs.

Mais de quoi parle-t-on ? Certes, les chiffres des demandeurs d’asile ont augmenté, passant de 600 000 en 2014 à plus d’un million et demi en 2015 (soit 0,25 % de la population de l’UE), mais comment pourrait-il en être autrement au vu de ce qui se déroule en Syrie, au Yémen ou en Libye ?

À leur arrivée, une partie des exilés sont enfermés ou poussés dans des camps informels, et leur aide n’a cessé de se fragiliser, leur exclusion s’est faite plus radicale et la «  misère politique et législative  » est sans limites : établissement de bidonvilles lié à l’absence de politiques d’accueil, mise en place de hotspots aux frontières extérieures de l’Union européenne où les recours ne sont pas garantis, pendant que des États réintroduisent murs et contrôles aux frontières des pays.

Le gouvernement danois envisage de délester des biens d’une valeur supérieure à 300 euros les migrants se présentant à ses frontières.

L’Union européenne et ses États, qui forment une des régions les plus riches du monde et tentent d’imposer leur «  gouvernance migratoire  » aux États voisins, sont fatalement ennemis de tout progrès.

Or ils pourraient être assez forts – à condition d’en avoir la volonté politique – pour accepter en leur sein ces femmes, ces hommes et ces enfants qui ne demandent qu’à mieux vivre.

Alors, on s’émeut un instant sur le corps d’un enfant, et on oublie toutes celles et ceux qui chaque jour continuent de payer de leur vie l’absurdité des lois européennes, car la légalité tue !

Incapables de faire une révision globale de leurs politiques migratoires, les responsables de la Commission et des gouvernements européens continuent de compliquer la vie à tous ces exilés au nom d’une prétendue «  meilleure gestion des flux migratoires  ».

Quel cynisme !

Lien vers l’article de l’Humanité