Dix ans de violences aux frontières sud de l’Union européenne
L’impunité autour de l’externalisation des politiques de « gestion » des migrations doit cesser.
Dix années après les évènements meurtriers aux frontières de Ceuta et Melilla, en octobre 2005, les organisations de la société civile constatent une impunité des actes de violence commis sur les candidat-e-s à l’immigration vers l’Europe à la frontière nord marocaine, frontière sud de l’Europe.
2005-2015 est une décennie qui, bien que marquée dans les dernières années par des changements politiques prometteurs, a été jalonnée par une violence constante et parfois mortelle, notamment dans les zones transfrontalières.
L’analyse des exactions commises à la frontière Nador-Melilla a mené nos organisations à publier cette déclaration.
Nous, organisations de la société civile issues de la région afro-méditerranéenne et de l’Europe, réunies à Rabat les 1, 2 et 3 Octobre 2015 dans le cadre de l’atelier « Bloquer les migrant·e·s le plus loin possible des frontières européennes ? », demandons à tous les gouvernements concernés, ce qui suit :
Le respect des dispositions du droit international, notamment la convention de Genève relative aux réfugiés dont le Maroc et l’Espagne sont signataires. Le respect du principe de non-refoulement des personnes et la cessation de tout acte de violence physique et morale visant les personnes en mobilité transnationale aux frontières de Ceuta et Melilla.
Le respect des dispositions légales en cas de reconduite aux frontières, notamment l’arrêt des refoulements des personnes en quête de protection internationale, des arrestations visant les personnes en possession de carte d’immatriculation/de séjour, de documents pouvant prouver la qualité de réfugié ou encore de femmes enceintes et d’enfants. Nous rappelons que la décision fixant le pays de renvoi doit relever du contrôle juridictionnel avec prise en compte de toutes les garanties de procès équitable qui s’en suivent.
L’arrêt de l’instrumentalisation de la « lutte contre la traite des êtres humains » pour mener des opérations de répression. Si, à plusieurs reprises, les autorités marocaines ont utilisé cet argument – exemples de la rafle massive du 10 février 2015 à Gourougou et de celle du 15 août 2015 à Oujda – les procédures de détection et de protection de potentielles « victimes de traite » de la part des autorités n’ont jamais été mises en place.
Que soit rendu effectif l’accès aux bureaux d’asile aux frontières de Ceuta et Melilla pour toute personne en quête de protection internationale, sans aucune discrimination.
Nous demandons ainsi que les autorités marocaines cessent de bloquer le passage aux personnes originaires d’Afrique subsaharienne, qui peuvent légitimement prétendre à une protection au titre du droit d’asile, et aux réfugiés de Syrie, ou de toute autre région du monde.
Depuis plusieurs mois, des personnes ressortissantes de Syrie et palestiniennes de Syrie sont bloquées à la frontière de Beni Ansar, empêchées d’atteindre Melilla, parfois par la force.
Certaines d’entre elles ont été arrêtées et poursuivies. En septembre à Nador, un réfugié Syrien a été condamné à une peine de prison ferme de deux mois. Ces blocages ont ouvert la porte à un vrai trafic humain où les personnes syriennes et subsahariennes sont contraintes de payer des sommes considérables pour traverser les frontières.
Nous déplorons l’utilisation de ressources techniques et financières abyssales dans la construction de nouvelles barrières et dans la multiplication des actes de violence à l’égard des personnes en mobilité transnationale et/ou potentielles demandeuses d’asile.
Nous demandons de manière urgente, la fin de l’impunité dont jouissent les responsables de ces exactions et de ces politiques migratoires sévissant aux frontières Sud de l’Europe, en particulier aux abords des enclaves de Ceuta et Melilla.
Nous demandons à ce que les textes de loi, actuels ou à venir, concernant l’immigration et l’asile soient respectés et prennent en compte les engagements internationaux du Maroc et les dispositions de la Constitution marocaine de 2011. La précarité notamment légale et en termes de protection des droits subsiste pour certaines catégories d’étrangers au Maroc, et ce malgré la nouvelle politique migratoire.
Rabat, le 7 octobre 2015
Premiers signataires de la déclaration
Abdelkrim Belguendouz, universitaire à Rabat, chercheur en migration
Alianza por la Solidaridad
Alliance contre le Racisme et la Xénophobie nord du Maroc
Association AL KHAIMA
Asociación Elín
Association lumière sur l’émigration clandestine au Maghreb (ALECMA)
Association Marocaine des Droits Humains (AMDH)
Asociación Pro Derechos de la Infancia (PRODEIN)
Association Thissaghnasse pour la Culture et le Développement (ASTICUDE)
Centre euromed migration et développement Pays-Bas (EMCEMO)
Collectif des Communautés Subsahariennes au Maroc (CCSM)
Collectif Loujna Tounkaranké
Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc (CMSM)
EuroMed Droits – Réseau euro-méditerranéen des droits humains
Groupe antiraciste de défense et d’accompagnement des étrangers et migrants (GADEM)
Organisation Marocaine des Droits Humains (OMDH) (avec remarques sur le contexte)
Pateras de la vida
Réseau Migreurop
(déclaration ouverte à signature pour les organisations/collectifs de la société civile)