Migrants : sauver ou surveiller ?

Lien Social (France), 27/11/2014

L’Italie a mis fin à l’opération Mare Nostrum qui a sauvé des dizaines de milliers de migrants en Méditerranée. Triton gérée par Frontex a pris le relais. Mais leurs missions diffèrent, ce qui inquiète des ONG.

En octobre 2013 au lendemain des naufrages tragiques de Lampedusa et de Malte, l’Italie déployait l’opération Mare Nostrum. Grâce à elle, les patrouilles de la marine militaire ont pu sauver 150 000 migrants et arrêter 351 passeurs. Un an plus tard, le ministre de l’Intérieur transalpin a officiellement annoncé la fin de ce dispositif qu’il n’envisageait pas sur le long terme, faute de soutiens européens. «  L’Italie a fait son devoir  », a-t-il souligné, ajoutant que le dispositif avait coûté 114 millions d’euros. Il avait également suscité des critiques, l’Allemagne notamment l’ayant accusé de constituer «  un pont vers l’Europe  », ce que les ONG ont contesté, chiffres à l’appui.
Au lendemain de l’annonce, le dispositif Triton, géré par l’agence Frontex [1] avec l’appui de huit pays volontaires, a pris le relais au grand dam des organisations de soutien aux migrants. Même si elle n’était pas exempte de critiques [2], Mare Nostrum avait une envergure et des moyens bien supérieurs à Triton pour venir en aide aux migrants en détresse en mer. Mare Nostrum allait secourir les migrants jusque dans les eaux libyennes, tandis que Triton surveille la seule frontière extérieure de l’Union européenne en Méditerranée. «  Le directeur de l’agence Frontex a précisé que ce dispositif mènera des opérations de surveillance et non de sauvetage en mer, il s’inscrit davantage dans une logique de contrôle des flux migratoires que de sauvetage  », pointe Olivier Clochard, président du réseau Migreurop. Certes l’Italie s’est engagée à continuer ses opérations de sauvetage, mais son investissement risque d’être moindre puisque Triton sera là pour surveiller l’espace maritime. Les ONG demandent donc qu’un véritable effort de recherches et de sauvetage soit maintenu, faute de quoi des milliers de migrants risquent de périr en mer.

Mare Nostrum noyée dans Triton ?

Force de dissuasion. Autre source d’inquiétude pour les organisations qui soutiennent les migrants : telles que prévues par l’agence Frontex, les opérations permettent de refouler les personnes secourues vers les pays d’origine ou de transit. «  Or, dès l’instant où elles sont sauvées en mer, elles doivent être conduites à terre pour faire valoir leurs droits, poursuit Olivier Clochard. Au cours de ses derniers mois, nous n’avons pas constaté de refoulement en Méditerranée centrale comme cela s’est déjà produit par le passé mais le règlement de Frontex le permet.  »
À travers la campagne Front-Exit [3], vingt-six associations réclament plus de transparence de la part de cette agence concernant ses orientations politiques. «  Nous contestons le fait qu’elle passe des accords avec des pays de l’Union européenne sans consulter le parlement, précise Migreurop à l’origine de la campagne. Elle se défausse en disant qu’ils sont conclus de police à police et non d’Etat à Etat, or ceux réalisés avec la Biélorussie, la Turquie ou le Nigeria, des pays où les droits de l’homme sont loin d’être respectés, existent et inquiètent.  Allant plus loin, Front Exit demande la suppression de Frontex, s’il est démontré que son mandat est incompatible avec le respect des droits fondamentaux.

Katia Rouff

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