Revue de presse : frontières égyptiennes (juillet-décembre 2011)

Si la majorité des médias se sont focalisés sur l’arrivée de migrants en Europe en provenance de Libye et de Tunisie, le sort des individus arrivés à la frontière égyptienne par la Libye est quant à lui passé inaperçu. Pourtant, le 16 mai 2011, les violences en Libye avaient déjà provoqué la fuite de plus de 800 000 personnes, dont près de 300 000 en direction de l’Egypte. Les autorités égyptiennes ont exigé un visa pour tous les ressortissants de pays-tiers souhaitant entrer dans le pays [1]. Pour les ressortissants de toutes autre nationalité, un document de voyage et un visa sont exigés.. Au cours de ces derniers mois, 3 000 personnes ont en moyenne été bloquées dans le no man’s land séparant l’Egypte de la Libye au niveau du poste frontière de Saloum. Si l’OIM a pris en charge le rapatriement des travailleurs migrants vers leur pays d’origine, les demandeurs d’asile et les réfugiés quant à eux ne pouvaient pas envisager un retour chez eux. Pour ceux qui avaient ou ont accédé au statut de réfugié délivré par le HCR, ils sont aujourd’hui contraints d’attendre une procédure de réinstallation vers un Etat tiers qui se révèle souvent longue. Quant aux demandeurs d’asile, ils demeurent dans l’attente d’une réponse du HCR basé au Caire. Pour les « accueillir », seul un camp d’une capacité de 1 000 personnes, et aux conditions d’hygiènes déplorables, a été installé par les autorités. Des milliers de réfugiés sont donc aujourd’hui encore contraints de séjourner sous des abris de fortune faits de bâches, de piquets et de valises au niveau du poste frontière de Saloum [2]. Seuls 8 pays européens ont proposé d’accueillir des réfugiés dans le cadre de programmes de réinstallation, pour un total de 800 places [3]. Pendant ce temps là, des réfugiés dont le crime est d’avoir fuit une guerre sont maintenus dans d’intolérables conditions de vie, pour une durée indéterminée. Depuis le printemps, la situation n’évolue que très lentement à Saloum.

Comme pour faire échos aux mouvements de population engendrés par les révolutions arabes, l’Union Européenne vient de conclure en novembre son « plan d’approche global de la question des migrations et de la mobilité ». Dans un premier temps, des partenariats de mobilité seront proposés aux voisins directs de l’Europe, ainsi qu’au Maroc, à la Tunisie et à l’Egypte. Ce texte prévoit d’accorder un nombre de visas plus importants aux ressortissants des pays signataires, en fonction des besoins de main d’œuvre de l’UE et en échange d’un renforcement dans leur lutte contre l’immigration “clandestine“ en direction de l’Europe. Des projets d’accords de réadmission ont également été placés aux centres des négociations.

Sur une autre frontière, celle Israël-Egypte, les autorités israéliennes répondent à l’instabilité politique en Egypte en accélérant les travaux de construction d’une barrière dite de “sécurité“ qui longera les 240 kilomètres de frontière entre Eilat et le point de passage de Kerem Shalom (à la limite de la Bande de Gaza). Toujours sous couverts de motifs liés à sa sécurité, Israël s’isolera encore un peu plus de ses voisins, tandis que de l’autre côté de la barrière, les migrants désireux de passer la frontière seront forcés de prendre toujours plus de risques pour mener à bien leur projet migratoire. Déjà à la merci de leurs passeurs, qui recourent régulièrement à la torture et à la séquestration dans des campements isolés du Sinaï ; et des policiers égyptiens, qui n’hésitent pas à recourir à la méthode du “shoot to stop“ pour empêcher les migrants d’entrer en Israël, ce nouveau mur rendra cette population encore plus vulnérable qu’elle ne l’est déjà.

Dans le reste du pays, en particulier dans la région d’Assouan, près de la frontière soudanaise, le sort réservé aux migrants et aux demandeurs d’asile par la police égyptienne ne semble pas beaucoup plus enviable. Privés de droits, et après avoir purgé une peine de prison pouvant aller jusqu’à 6 mois pour « entrée illégale sur le territoire », les migrants et demandeurs d’asile sont maintenus dans des centres de rétention en attendant leur expulsion vers leur pays d’origine. L’Egypte n’ayant pas définit de durée légale de rétention, cette dernière étape peut parfois durer plusieurs années.

Si l’année 2011 a permis à l’Egypte d’engager un long processus devant mener le pays à la démocratie, la question des droits de l’homme, et en particulier des migrants, reste loin d’être une priorité pour le gouvernement de transition. Dans ces conditions, et par son immobilisme et sa politique d’externalisation des contrôles migratoires, l’Union Européenne participe activement à la violation des droits des migrants et à leur exploitation en Egypte.