Boat people en détresse « baladés » avant d’être débarqués en Italie

Immigration . Il s’est passé quatre jours avant que 154 migrants recueillis par un navire turc reçoivent l’autorisation d’accoster sur le territoire italien.

Ils ont attendu quatre jours avant de poser le pied sur la terre ferme. Parmi les 154 migrants en détresse recueillis jeudi soir par un cargo turc à 80 kilomètres au large de Lampedusa, il y avait pourtant quarante-deux mineurs, une femme enceinte, une trentaine de personnes malades. Et le cadavre d’une femme enceinte, morte vraisemblablement pendant la traversée, emballé dans un sac en plastique et posé dans une chaloupe à l’arrière du navire.

Les refugiés otages

des deux pays

Mais une fois de plus, les gouvernements maltais et italiens ont chacun rejeté sur l’autre la responsabilité d’accueillir les migrants, plaçant leurs querelles diplomatiques avant la vie de ces derniers. D’un côté, Malte reconnaissait que les migrants avaient été recueillis dans sa zone de sauvetage en Méditerranée, mais renvoyait le navire vers le port italien de Lampedusa, plus proche. De l’autre côté, l’Italie opposait sa lecture des règles internationales et renvoyait les migrants vers celui, maltais, de La Valette. C’est finalement l’Italie qui a cédé aux pressions et les migrants ont pu débarquer hier à Porto Empédocle, près d’Agrigente, sur la côte sud de la Sicile - 17 blessés ayant déjà pu être débarqués dès dimanche soir.

Une décision qui « ne constitue pas un précédent valant reconnaissance des raisons avancées par Malte », a cru bon de préciser le ministère italien des Affaires étrangères italien. Le premier ministre, Silvio Berlusconi, a d’ailleurs téléphoné au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ainsi qu’à son homologue maltais Lawrence Gonzi, avant d’accepter de prendre en charge les migrants. « Le problème reste entier », a donc averti Jacques Barrot, le commissaire en charge des questions liées à l’immigration avant d’appeler à « une solidarité concrète beaucoup plus efficace » au sein de l’UE.

Et tandis qu’une porte-parole à Rome pour le Haut-Commissariat aux réfugiés se désolait de ce que ce genre de situation « décourage fortement les navires de sauver les personnes en mer », le réseau Migreurop s’est de son côté ému d’une affaire « emblématique » de l’évolution des politiques européennes en matière de migration et particulièrement de celles menées par le gouvernement de Sylvio Berlusconi « qui ouvre délibérément un contentieux avec Malte qui dure depuis des années, pour instrumentaliser les politiques de migration ».


vous êtes malvenus chez Berlusconi

Thomas Hammarberg, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a ainsi reproché à l’Italie dans un communiqué rendu public jeudi, d’expulser vers la Tunisie des immigrés qui risquent d’y être torturés, reprochant en outre aux autorités de ne pas condamner assez fermement « les manifestations racistes ou intolérantes ». « Depuis décembre 2008, le gouvernement de Berlusconi veut donner un message clair aux migrants : ce n’est pas en Italie que vous trouverez l’accueil », analyse Sara Prestianni, coordinatrice du réseau Migreurop, pour qui l’Europe ne doit pas non plus se délester des interceptions en zones internationales sur les pays riverains.

Anne Roy
L’Humanité

http://www.humanite.fr/2009-04-21_International_Boat-people-en-detresse-balades-avant-d-etre-debarques-en