Le rapport du CCDH, un rapport nul et non avenu

Suite aux événements dramatiques dont ont été victimes des immigrés subsahariens dans le Nord du Maroc en octobre 2005, le Conseil Consultatif des Droits de l’Homme (CCDH) au Maroc, vient de publier un document intitulé « Rapport sur l’établissement des faits relatifs aux évènements de l’immigration illégale »

Ce rapport pose des problèmes d’éthique et de recherche de la vérité aussi bien sur le fond que sur la forme. La mission d’enquête, tardivement mise sur pied, s’est contentée d’effectuer des entretiens avec les représentants des différents départements ministériels, ainsi qu’avec quelques ONG. Elle reconnaît elle-même n’avoir pas rencontré les concernés, c’est-à-dire les Subsahariens, ni même s’être déplacée sur l’un des lieux des faits.

En outre, ce rapport officiel, censé être transparent, ne précise ni les noms des membres de cette commission d’enquête, ni ceux des personnes et organismes rencontrés, ni les dates et lieux de ces rencontres.

Sur le fond, le rapport transforme les victimes en dangereux criminels au « profil militaire » et qui disposent d’un état-major pour des assauts contre... des barbelés !cette présentation quelque peu biaisée mène inévitablement à l’argument de la légitime défense puisque « Le Maroc a le droit de se protéger contre les différentes formes de criminalité transnationale ».

Quant aux conditions de refoulement des Subsahariens, le rapport n’y voit, dans la majorité des cas que des « opérations de retour librement consenti » (p. 29) sans craindre de se contredire à la page suivante en affirmant « quant au lieu de chute, perçu et décrié par une certaine presse comme "le désert" dans lequel auraient été abandonnés les Subsahariens, il ne s’agit en réalité que d’une zone frontalière de surcroît habitée, en l’occurrence, Aïn Chouater ». Belle illustration de l’Etat en flagrant délit de non-assistance à personnes en danger !

Pour ces opérations expéditives d’expulsions collectives des Subsahariens connues et reconnues par le monde entier, le rapport n’exprimera qu’un seul regret : « s’il y a quelque chose à déplorer, c’est le sentiment de manque de moyens matériels et financiers qui peuvent être utilement mis à la disposition des forces de l’ordre pour assurer, dans de bonnes conditions, leurs missions » (p. 30).

L’approche sécuritaire privilégiée par les auteurs de ce rapport est indigne d’un organisme censé examiner les questions de respect des droits de l’Homme sous l’angle juridique et du respect des conventions internationales. Le Maroc est signataire de la Convention de Genève de protection des réfugiés (1951), et de la Convention des Nations Unies de protection des travailleurs migrants (décembre 1990). Il a dès lors des obligations à respecter et sur ce point le rapport reste muet.

Par ailleurs, si la politique d’externalisation de l’Union Européenne a une grande part de responsabilité dans le drame des Subsahariens, comme le souligne le rapport, il n’en demeure pas moins que la responsabilité des autorités marocaines est avérée notamment dans la disproportion des moyens de repressions utilisés (tir à balles réelles sur des hommes non armés) Le rapport cherche à justifier l’injustifiable avec de graves omissions sur le devoir qui revient aux autorités de protéger les migrants quelle que soit leur situation juridique. Or des pratiques indignes ont été commises, telles que des chasses à l’homme dans les forêts proches de Ceuta et Melilla et d’autres villes du Maroc, la rétention d’une partie des victimes arrêtées à l’intérieur des bases militaires sans accès à des avocats, le refoulement d’autres dans des zones désertiques...

Les associations signataires de cette déclaration expriment leur profonde indignation et considèrent ce rapport partial et irrespectueux du droit international, pour nous il est nul et non avenu. Elles exigent la vérité et des excuses officielles pour les victimes et leurs familles.

Nous exigeons enfin que les conventions internationales notamment la Convention des Nations Unies pour la protection des migrants ratifiée par le Maroc, soient réellement considérées et surtout respectées.

Dans l’immédiat nous exigeons un moratoire de toutes les poursuites, refoulements, ou expulsions individuelles ou collectives dont ils font l’objet.
Nos associations connaissant le prix de l’exil, de la migration et leurs cortèges de souffrances expriment leur totale solidarité avec les migrants subsahariens. Nous nous engageons à contribuer à faire connaître la vérité et à défendre les droits légitimes de ces personnes devenues les « esclaves des temps modernes ».

Paris, le 5 Avril 2007

Lire aussi sur le site de l’ATMF

Signatures individuelles et d’organisations à envoyer à national@atmf.org

Premiers signataires

Associations

France
 ATMF (Association des Travailleurs Maghrébins de France)
 IDD (Immigration Développement Démocratie)
 ASDHOM (Association des droits de l’homme au Maroc)
 AMF (Association des marocains en France)
 Migration santé
 IPAM (iniatives pour un autre monde)
 CEDETIM
 FTCR (Fédération des tunisiens citoyens des deux rives)
 Association des amis de l’écologie dans le monde arabe
 ATAMS (Association des travailleurs arabes du Mans et de la Sarthe)
 FMVJ Forum marocain vérité et justice

Hollande
 EMCEMO (Centre Euro-Méditerranéen Migration Développement)
 KMAN (Association des travailleurs marocains en Hollande)

Belgique Espace culturel Nord-Sud

Italie
 UDAMI (Union démocratique des associations marocaines en Italie)
 ARCI

Espagne
 ATIME (Association des travailleurs immigrés marocains en Espagne)
 APDHA : Association pro Derechos humanos de Andalucia

Maroc
 AMDH (Association marocaine des droits humains)
 Association Homme et Environnement , Berkane
 ABCDS (Association Beni Znassen pour la Culture, le Développement et la Solidarité)
 ATTAC-Maroc
 CMDH (Centre marocains des droits de l’homme)
 Conseil des migrants subsahariens au Maroc
 Réseau Chabaka des associations du Nord du Maroc
 Association BADES ( Al-Hoceima)
 Collectif des réfugiés au Maroc
 Association socioculturelle IMAL ( Région Marrakech-Tansift)
 Association RIF des droits de l’homme
 Association Patéras de la Vida au Nord du Maroc
 RED Chabaka Nord du Maroc

Mauritanie Association mauritanienne des droits de l’homme

Europe Migreurop

Signatures individuelles
Abdderrahim Aferki (militant des droits de l’homme), Fayçal Aoussar (militant associatif),
Ahmed Asmouh (militant associatif),
Elkbir Atouf (Chercheur-France), Abdelhak El Ouassouli (Voie démocratique-Maroc),
François della Sudda (militant des droits de l’homme), Hassan Hadj Nassar (militant des droits de l’homme), Mehdi Lahlou (Bureau politique du PSU-Maroc,